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HISTOIRE

 
     

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par Piétrement

Chiens américains à la "découverte"

Amérique centrale et du nord

sommaire 4

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  extrait de

LES CHEVAUX DANS LES TEMPS PREHISTORIQUES ET HISTORIQUES
Charles-Alexandre PIETREMENT

 

LES CHEVAUX ET LES CHIENS EN AMERIQUE (CHAPITRE XIII)

Une autre question sur laquelle quelques auteurs modernes ont émis des doutes, faute d'avoir suffisamment consulté les anciennes relations, c'est celle de la présence du chien en Amérique lors de sa découverte.

Nous rapporterons donc un certain nombre de documents qui ne laisseront aucun doute sur la présence du chien, même de plusieurs races de chien en Amérique avant l'arrivée des Européens.
Ce sera une contrepartie des documents relatifs à l'absence du cheval dans ce continent à la même époque.; elle ne peut que contribuer à montrer le soin que les premiers explorateurs du nouveau monde ont mis à l'étudier et à le décrire.

Le chien est d'ailleurs, de tous les quadrupèdes domestiques de l'Ancien Continent, le seul qui ait été trouvé par les Européens dans le Nouveau et, tout le monde le sait dans beaucoup d'îles de l'Océanie, dont quelques-unes possédaient aussi le porc.

Mais, en lisant les anciens écrits des conquêtes et des explorations faites en Amérique, il ne faut jamais oublier que, ayant à parler d'une faune toute nouvelle pour eux, les auteurs de ces récits ont souvent donné les divers noms européens du boeuf et de la vache au bison, du mouton et de la brebis au lama ou guanaco, du porc au pécari, du lion et du tigre au jaguar et autres félins d'Amérique, du coq et de la poule au dindon, et de l'oie au pingouin.

Ils ont assez souvent le soin, mais pas toujours, d'ajouter l'épithète
"d'Inde" ou "du pays", à ces noms d'animaux européens, pour indiquer qu'ils parlent d'espèces bien distinctes de celles d'Europe.
Ils donnent d'ailleurs une description plus ou moins sommaire de ces animaux américains; ainsi, par exemple, le pécari est très reconnaissable sous le nom de "porc qui a un nombril sur le dos".

La lecture attentive de ces anciens récits ne peut donc occasionner aucune méprise, mais il pourrait en être autrement de la lecture de certains passages pris isolément

Piétrement 1882

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  Si Colomb n'a pas rencontré de chevaux en Amérique, il y a trouvé des chiens.

Ainsi, dans la relation de son premier voyage, abrégée par Las Casas et traduite dans le tome III des Voyageurs anciens et modernes, on voit que le 28 octobre 1492, ayant débarqué dans l'île de Cuba,
" l'amiral (Colomb) se fit conduire vers deux huttes; ceux qui les habitaient s'enfuirent.
A l'intérieur, on trouva un chien qui n'aboya point, des filets en corde et en fil de palmier, un hameçon en corne, des harpons en os. " (P.109)

Le soir du même jour, dans la même ïle, un peu plus à l'ouest, les compagnons de Colomb étant entrés dans d'autres huttes,

" on remarqua des statues à figure de femmes, des masques scluptés avec adresse, des oiseaux apprivoisés, des chiens qui sont muets et tous les instruments nécessaires à la pêche." (P.110)

Le 6 novembre, les hommes que Colomb avait envoyés auprès du roi, dans l'intérieur de l'île, reviennent de leur ambassade:

" Ils avaient remarqué des oies, des perdrix; ils n'avaient point vu d'autres quadripèdes que des chiens qui n'aboient pas. " (P.111)

On voit aussi à la page 158 du même volume, dans la relation du deuxième voyage de Colomb, écrite par son contemporain Pierre Martyr d'Anghiera, que, dans une île voisine de la Jamaïque, les Espagnols,

" entrant dans les huttes, trouvèrent quatre chiens de très laid regard, qui n'aboient pas et que l'on mange, comme nous les chevreaux."

Enfin, une autre relation de ce second voyage, écrite par le médecin Chanca, qui fit ce voyage avec Colomb, a été publiée par Navarrete dans le tome II des Relations des quatre voyages entrepris par Christophe Colomb de 1492 à 1504.
Chanca dit aux pages 425 et 426, à propos de l'île d'Haïti :

" Ni dans celle-ci ni dans les autres, on n'a jamais vu de quadrupèdes, excepté quelques chiens de toutes couleurs, comme dans notre patrie: leur espèce ressemble à celle de nos grands carlins (N. Le Carlin est un chien à poil ras. ne pas confondre avec le King-Charles qui a les poils très longs, et dont le nom remonte seulement à Charles II d'Angleterre).
Il y a aussi un animal de la couleur et du poil du lapin, de la grandeur d'un lapereau, avec une longue queue, les pattes comme celles d'un rat; il grimpe sur les arbres; plusieurs en ont mangé et disent que c'est fort bon."

Nous ferons observer en passant qu'on a également trouvé ailleurs qu'en Amérique, et qu'il existe même encore aujourd'hui chez les peuples sauvages ou peu civilisés, des chiens privés de l'aboiement, quelquefois appelés muets par les auteurs. Cette dernière expression ne manque pas de justesse;. mais il ne faut pas se méprendre sur sa signification, en conclure qu'il s'agit ici de chiens aphones.
Il s'agit seulement de chiens capables de grogner, de hurler, mais privés de l'aboiement qui est la parole du chien, qui est l'un des signes de sa civilisation..
[...]

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  Dans sa lettre à Charles-Quint (p.400), Cortez fait mention de petits chiens bons à manger parmi les approvisionnements habituels du marché de Mexico; et Diaz parle plusieurs fois dans son livre de tels chiens trouvés par les Espagnols dans les maisons abandonnées par les Mexicains; mais nous emprunterons à un autre auteur des renseignements plus complets sur ces animaux.
Arrivé au Mexique en 1529, immédiatement après la conquête du pays, le franciscain Sahagun en apprit la langue, afin d'en mieux étudier les moeurs et l'histoire pendant un séjour de cinquante années. Son Historia general de las cosas de Nueva Espana est encore aujourd'hui l'ouvrage le plus complet sur le Mexique avant la conquête espagnole.
En voici un extrait, traduit littéralement sur le livre XI, p. 163-164):
Les chiens de ce pays (Le Mexique) ont quatre noms, qui sont chichi, itzcuintle, xochiocoitl, et tetlamin, et aussi tetevitzotl, et ils sont de couleurs diverses; les uns sont noirs, les autres blancs, cendrés, châtain obscur et noir malteint (moreno), et gris et mouchetés; quelques-uns d'entre eux sont de haute taille, d'autres de moyenne taille; les uns à poil ras, les autres à poil long; ils ont un long museau, les dents aiguës et longues, les oreilles concaves et velues, la tête forte; ils sont corpulents, ils ont les ongles aigus, ils sont très doux et domestiques; ils accompagnent et suivent leurs maîtres et possesseurs; ils sont joyeux; ils remuent la queue en signe de paix, grognent, aboient, abaissent les oreilles sur le cou en signe d'affection; ils mangent du pain, des épis de maïs vert, de la viande crue et cuite; ils mangent des corps morts et des viandes corrompues.

" Ils élevaient dans cette même terre certains chiens sans poil, et, s'ils avaient quelques poils, ils étaient très rares.
Ils élevaient d'autres petits chiens qu'ils appelaient xoloitzcuintli, qui n'avaient aucun poil, et la nuit ils les abritaient sous de mantes1, pour dormir; ces chiens ne naissent pas ainsi; quand ils sont petits, ils les frottent avec une certaine résine appelée oxitl, et c'est avec cela que leur poil tombe, le corps restant parfaitement lisse.
D'autres prétendent qu'ils naissent sans poil dans les villages qui s'appellent Teutlzco et Tocilan. Il y a encore d'autres chiens qu'ils appellent tchlchichi, trapus, rondelets, qui sont très bons à manger."

D'autres auteurs vont également nous montrer et la présence du chien et l'absence du cheval dans les autres contrées de l'Amérique septentrionale située au nord du Mexique, à l'époque de leur découverte.

Piétrement 1882

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  Avant de suivre Coronado eporedo/ens/ea3b chez les habitants des plaines, il ne sera pas inutile de faire connaître la topographie de leur pays.
" On nomme ces naturels Querechos et Teyas; ils nous donnent des renseignements sur des pays très peuplés qu'ils avaient visités ou dont ils avaient entendu parler.
Ces Indiens nomades sont plus braves que ceux des villages; il sont plus grands et plus aguerris; ils vivent comme les Arabes, dans des tentes;.; ils ont de grands troupeaux de chiens qui portent leur bagage; ils l'attachent sur le dos de ces animaux au moyen d'une sangle et d'un petit bât. Quand la charge se dérange, les chiens se mettent à hurler, pour avertir leur maître de l'arranger." (Castañeda, Relat., p.190.)

Ces renseignements sont confirmés par Coronado dans la Lettre adressée à Charles-Quint, p.356

" Ils voyagent avec les vaches (lisez bisons) et changent de pays comme ces animaux; ils ont des chiens sur lesquels ils chargent leurs tentes, leurs pieux et leurs ustensiles."

[......]

Le lendemain les Espagnols chassent les bisons dont un grand nombre sont culbutés et massacrés dans un ravin à pic; mais ils perdent trois chevaux qui sont rattrapés à plus de vingt lieues de là et ramenés au camp quelques jours plus tard par les indigènes; puis ils vont chez une autre nation.

"Ces Indiens, qui se nommaient Teyas, accompagnèrent l'armée pendant trois journées; ils emmenèrent avec eux leurs femmes, leurs enfants et un grand nombre de chiens chargés de leurs bagages. Arrivés à Cona, ils fournirent des guides qui conduisirent nos troupes jusqu'à un grand ravin. " ( Castañeda, Relat., p.125)

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Dès l'année 1535, Jacques Cartier eporedo/ea4 avait, dans son second voyage, remonté le fleuve Saint-Laurent jusqu'à la hauteur de la ville actuelle de Montréal, et il avait même séjourné pendant près de huit mois chez une tribu de chasseurs indigènes campés sur les bords de cette rivière.
[...]

Champlain reprit en 1603 l'exploration du Canada ou Nouvelle-France au point où Cartier l'avait laissée, et nous extrayons les passages suivants de la relation du plus important de ses voyages, qu'il a publiée sous le titre Voyages et découvertes faites en la Nouvelle-France depuis l'année 1615 jusqu'à la fin de l'année 1618 etc.
[...]

" La contrée de la nation de Attigouautan est soubs la hauteur de 44 degrez et demy de latitude, et deux cents trente lieues de longitude à l'occident." (P. 77, a.)

" Leur vie est misérable au regard de la nostre, mais heureuse entre eux, qui n'en ont pas gousté de meilleure, croyant qu'il ne s'en trouve pas de plus excellente." (P. 79, b.)

" Les chiens sont de requeste en leurs festins, qu'ils font souvent les uns les autres, principalement l'hyver qu'ils sont de loisir, que s'ils vont à la chasse aux cerfs ou au poisson, ils le réservent pour faire ces festins." (P. 82, b.)

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En franchissant le 49e degré , nous entrons dans les terres de la baie d'Hudson, c'est-à-dire dans le pays des fourrures, et ce n'est point là qu'on aurait pu rencontrer des chevaux à l'époque de la découverte de l'Amérique, car il n'y en a même pas encore aujourd'hui.
Le cheval a partout aileurs suivi les conquérants et les colons, mais il n'a pas encore pénétré dans ces latitudes septentrionales, dont la terre est couverte d'une épaisse couche de neige pendant la plus grande partie de l'année, et dont les seules véhicules sont les canots pendant la courte saison d'été, les traîneaux attelés de chiens en tout autre temps.

Du reste, dans ces régions glaciales, comme dans tout le reste de l'Amérique, la présence du chien a été aussi bien constatée que l'absence du cheval par les premiers explorateurs.

Ainsi, par exemple, dans La navigation du capitaine Martin Forbisher Anglois, ès régions de West et Norwest, en l'année 1577, brochure in-12 imprimée en 1578, sans nom de lieu et sans pagination, on voit que ce navigateur aborde à l'ouest de l'Islande, dans une terre de Cumberland, chez un peuple qui le reçoit avec affabilité.
Le texte et les gravures du livre de Forbisher montrent qu'il avait affaire à des Esquimaux; il dit d'ailleurs:

" Leurs bateaux sont couverts de peaux de baleine et de cerfs. Leurs chiens semblables à des loups, fors qu'ils sont presque tout noirs."

Et il ajoute plus loin:

" Leurs chiens ressemblent, comme nous avons dit, à des loups, et les attachent au joug ou collier comme nous faisons les boeufs ou les chevaux et leur font traîner de lieu à autre sur un traîneau par-dessus la glace leurs nécessitez.
Quand ils ne s'en peuvent plus servir, ils les mangent."

Piétrement 1882

 

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