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HAUTE ANTIQUITE

Expansions, Dispersions, Métissages

en Occident (2)

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  LES RACES CHEVALINES ASIATIQUES ET EUROPEENNES EN OCCIDENT (2)

[....]
A notre connaissance, les dix crânes de chevaux précités sont jusqu'ici les seuls qui attestent la
grande antiquité de l'arrivée des chevaux aryens en Occident.

M. René Galles a bien trouvé, dans son exploration de la région nord du Mané-Lud de Locmariaquer (Morbihan), cinq têtes osseuses de chevaux, enfouies à 4m,50 de profondeur dans la vase marine desséchée qui recouvre ce dolmen (Voyez René Galles, Etude sur le Mané-Lud de Locmariaquer, dans la Revue archéologique, t. X, 1864, p. 356-357).; mais,[....] il lui a été impossible, malgré tous ses soins, de recueillir autre chose que des fragments de mâchoires, tant la substance osseuse des crânes était devenue friable[....].

Ce serait une découverte d'autant plus précieuse que la presqu'île de l'Armorique est précisément habitée par une population chevaline du type aryen pur, qui s'y trouve isolée au milieu de populations chevalines d'origine européenne: ce qui nous porte à croire que les ancêtres de ces chevaux aryens ont été amenés dans le pays avant la domestication des races indigènes des contrées environnantes.

Les chevaux aryens du sud-ouest de l'Europe y vivent en promiscuité avec les chevaux mongoliques, surtout en Espagne.
Les caractères qui dénotent, chez certains chevaux d'Espagne, une dose plus ou moins grande de sang mongolique, n'avaient pas échappé aux spécialistes auprès desquels
Buffon a pris ses renseignements; car il dit (t. IV, p. 13-14), dans son article Du cheval, que les chevaux d'Espagne ont

" la tête un peu grosse, quelquefois moutonnée; .... le paturon quelquefois un peu long, comme les barbes; "

et il ajoute, à propos de ceux de la haute Andalousie,

"qu'on les préfère à tous les autres chevaux du monde pour la guerre, pour la pompe et pour le manège. "

Il fait du reste observer que

"les chevaux d'Espagne de belle race sont épais, bien étoffés, bas de terre ":

ce qui prouve qu'il préférait la conformation du cheval aryen, dit arabe, à celle du cheval mongolique, dit barbe.
On peut aussi remarquer en passant qu'il y avait du temps de Buffon plus de sang mongolique qu'aujourd'hui chez les chevaux anglais de course;
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car il dit dans la même page 14:

"Les plus beaux chevaux anglais sont, pour la conformation, assez semblables aux arabes et aux barbes, dont ils sortent en effet; ils ont cependant la tête plus grande, mais bien faite et moutonnée, et les oreilles plus longues, mais bien placées. "

Le fait s'explique facilement si l'on considère que la mode des chevaux à têtes moutonnées, bourbonniennes, régnait alors en Europe.
Au reste, Stubbs, le célèbre peintre de chevaux, a fait de Godolphin un portrait qui doit exister encore à la bibliothèque de Gog-magog dans le comté de Cambridge, et qui a été reproduit dans le 3e volume des Institutions hippiques de M. de Montendre.
Ce cheval avait la tête moutonnée, et voici ce que
Youatt en dit:

" Plus de vingt ans après l'arabe Darley, et quand la valeur du sang arabe fut généralement appréciée, lord Godolphin possédait un beau cheval, mais d'une conformation extraordinaire, qu'il appelait un cheval arabe, mais qui, dans le fait était un barbe.... Il devint même plus que Darley le fondateur des pur-sang modernes. Il mourut en 1753, à l'âge de vingt-neuf ans." (Le cheval, p 184 et 187)

Nous n'avons pas à raconter par quels soins a été formée dans ces derniers temps la population des chevaux anglais de course, nous dirons seulement pourquoi des chevaux mongoliques se rencontrent dans nos contrées au milieu des chevaux aryens.

Piétrement 1882

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Un certain nombre de chevaux mongoliques arrivèrent en Occident avec celles des migrations aryennes qui furent postérieures aux premiers mélanges des deux races chevalines asiatiques dans l'Asie occidentale [....]

C'est un nouvel exemple de la difficulté qu'éprouvent les races de nouvelle importation à supplanter les anciennes races dans le pays où elles arrivent.

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L'une des races chevalines propres à l'Europe paraît toutefois s'être éteinte dans les temps historiques et avoir été remplacée par la race chevaline aryenne: c'est la race chevaline des Sigynnes, peuple nombreux qui habitait au nord du Danube et dont, au rapport d'Hérodote (V, 9), les chevaux étaient camus, couverts sur tout le corps de poils longs de cinq travers de doigt, capables de traîner des chars avec une grande vitesse, mais trop petits pour porter des cavaliers. L'extrême petitesse des ces chevaux explique d'ailleurs leur disparition, qui doit avoir été facilitée par l'antique habitude qu'avaient les Sarmates et les Quades de châtrer les chevaux qu'ils ne destinaient pas à la reproduction, comme nous l'apprennent Strabon (VII,IV, 8) et Ammien Marcellin (XVII, 12).

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Mais la première et la principale cause de la présence des chevaux mongoliques dans le sud-ouest de l'Europe, c'est évidemment l'antique colonisation par les Sémites des diverses localités de cette région, où les Phéniciens faisaient un commerce très étendu, dès une époque où les chevaux mongoliques occupaient seuls le sud-ouest de l'Asie, dont le sol ne leur avait encore été que peu ou point disputé par les chevaux aryens.

On sait, en effet, non seulement que la légende grecque des voyages d'Hercule en Occident est le récit mythique de ceux des Phéniciens personnifiés dans l'Hercule tyrien, Melkarth (Contraction de Melekh-Karth, roi de la ville, c'est à dire protecteur des Tyriens), dont les Grecs ont fondu la légende avec celle du fils d'Alcmène (
Voyez Diodore, IV, 17-27, sur les voyages d'Hercule en Libye, en Espagne, en Gaule, en Italie et en Sicile); mais encore que les anciens nous ont laissé des renseignements positifs sur l'importance et l'antiquité des colonies fondées par les Phéniciens jusque dans la péninsule Hispanique.
Ainsi,
Strabon dit à propos de la Turdétanie:

"Il est de fait que l'assujettissement de cette partie de l'Ibérie aux Phéniciens a été si complet, qu'aujourd'hui encore, dans la plupart des villes de la Turdétanie et des campagnes environnantes, le fond de la population est d'origine phénicienne". (III, II, 13).
Il ajoute plus loin :
" Mais, je le répète, les premiers renseignements étaient dus aux Phéniciens, qui, maîtres de la meilleure partie de l'Ibérie et de la Libye dès avant l'époque d'Homère, demeurèrent en possession de ces contrées jusqu'à la destruction de leur empire par les amées romaines" (III, II, 14)

Or les considérations suivantes donneront une idée de l'antiquité de l'arrivée des Celtes, postérieure à celle des Phéniciens, dans la péninsule Hispanique.

Après avoir rappelé que
Fréret (Oeuvres, 1796, t. IV, p.200) a cru devoir fixer approximativement au XVIe siècle avant notre ère le passage des Celtes de la Gaule en Espagne et que cette date a été acceptée par nos meilleurs historiens de ces temps reculés, M. Lagneau ajoute avec raison, dans les Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, année 1878, à la page 372 dont nous rectifions les indications bibliographiques :

" La date du passage des Celtes du nord au sud des Pyrénées repose:
1° sur un passage de Festus Avienus (Orae maritinae, vers 129-136), montrant les Ligures chassés par les Celtes du voisinage des îles Oestrymnides;
2° sur un passage de Thucydide (VI, 2), montrant les Sicanes chassés d'Hispanie, d'Espagne, par les Ligures, et arrivant avant les Sicules dans l'ïle à laquelle ces derniers donnèrent leur nom;
3° enfin, sur quelques passages de Philiste de Syracuse et d'Hellanicus de Lesbos, rappelés par Denys d'Halicarnasse (Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, livre I, chap. IV, §2; pages 34 du t.I, de la traduction Bellenger), rapportant à quatre-vingts ans, ou trois générations avant le siège de Troie, l'immigration des Sicules dans cette île.
Sachant approximativement la date du siège de Troie, on a cru pouvoir en inférer la date du passage des Celtes du nord au sud des Pyrénées. L'insuffisance de corrélation entre ces diverses migrations et l'impossibilité d'apprécier le temps écoulé entre les unes et les autres semblent devoir faire regarder cette approximation comme une date minima, la migration celtique du nord au sud des Pyrénées pouvant remonter bien au delà. D'ailleurs, il est bon de remarquer que, de cette date approximative de la migration transpyrénéenne des Celtes brachycéphales, on ne peut pas inférer la date de leur arrivée en Occident. Peut-être devrait-on être porté à penser que les Celtes ont alors seulement été refoulés vers les îles Oestrymnides et vers les pays situés au sud des Pyrénées par l'arrivée des premiers bans des Galates-Kimmériens dolichocéphales."
(Lagneau 1878)

Strabon dit en outre:

" Située juste à la même distance de Calpé que Gadira, Malaca est l'emporium ou le marché que fréquentent de préférence les peuples numides de la côte opposée. Il s'y trouve d'importants établissements de salaisons. Quelques auteurs pensent que cette ville n'est autre que Mænacé, que la tradition nous donne pour la plus occidentale des colonies phocéennes; mais il n'en est rien. L'emplacement de Mænacé, ville aujourd'hui ruinée, se trouve à une distance plus grande de Calpé, et d'ailleurs le peu de vestiges qui en restent dénotent une ville hellénique, tandis que Malaca, en même temps qu'elle est plus rapprochée de Calpé, a la physionomie complètement phénicienne. Vient ensuite la cité des Exitans, qui a donné son nom aussi à un genre de salaisons estimées. Abdères, qui lui succède, est également d'origine phénicienne " (III, IV, 2-3).

Strabon raconte aussi (III,v, 5) comment Gadira, Gadès ou Cadix fut fondée par les Tyriens, et il dit (III,v, 11) à propos des îles Cassitérides :

"Dans le principe, les Phéniciens de Gadira étaient le seul peuple qui envoyât des vaisseaux trafiquer dans ces îles, et ils cachaient soigneusement à tous les autres la route qui y mène. Il arriva même qu'un patron de navire phénicien, qui se voyait suivi par des bâtiments romains dont les pilotes avaient espéré de pouvoir ainsi connaître la route des comptoirs, s'échoua volontairement et par pure jalousie nationale sur un bas-fond, où il savait entraîner les Romains à une perte assurée." (Strabon)

Les Phéniciens avaient également colonisé les îles de Malte et de Gozzo (Diodore, V, 12).

" Les Phéniciens créèrent aussi des établissements autour de la Sicile. Ils se saisirent des caps et des îlots voisins des côtes, pour faciliter leur commerce avec les Sicules. Mais, lorsque les Grecs arrivèrent par mer en nombre toujours croissant, les Phéniciens abandonnèrent la plupart de ces places pour se concentrer à Motya, Soloïs et Panormos, dans le voisinage des Elymes." (Thucidide, VI, 2)

Nous ne prétendons pas que les Phéniciens aient eu l'habitude de faire de grands chargements de chevaux mongoliques sur leurs côtes de Syrie pour les transporter directement en Espagne; car il est bien plus vraissemblable que cette race chevaline ne passa dans ce dernier pays qu'après avoir envahi le nord de la Libye, où les Phéniciens avaient aussi de nombreuses colonies longtemps avant la fondation de Carthage, comme on le verra dans le chapitre suivant.
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Piétrement 1882

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