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HAUTE ANTIQUITE

dans les états barbaresques

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LES CHEVAUX DANS LES ETATS BARBARESQUES ET DANS L'AFRIQUE TRANSSAHARIENNE...... (chap. XII)

Il n'existe pas plus de race chevaline indigène dans les Etats Barbaresques que dans le sud-ouest de l'Europe.
De sorte que si, parmi les débris quaternaires d'Equidés qu'on a trouvés en Algérie, quelques uns appartenaient à des chevaux, comme on l'a supposé, il faudrait en inférer que la descendance de ces chevaux s'est éteinte ou a émigré dans d'autres contrées à une époque impossible à déterminer dans l'état actuel de nos connaissances.

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[... ] l'existence des chevaux mongoliques et des chevaux aryens dans ces contrées s'explique par les antiques immigrations qu'y firent certains peuples d'origine asiatique.

On lit par exemple, dans la
Palestine de Munk, p. 80 et 81 :

"Nous avons déjà dit au commencement de cet ouvrage que, encore du temps de Saint Augustin, les paysans des environs d'Hippone (maintenant Bône) s'appelaient eux-mêmes Chanani ou Cananéens.

Selon
Eusèbe (Chron. ,1.I), les Cananéens émigrèrent à Tripolis en Afrique.

Procope, auteur grec païen du VIe siècle, qui ne paraît pas avoir connu le livre de Josué et qui puisa, comme il le dit lui-même, dans les écrivains qui ont écrit l'histoire ancienne des Phéniciens, parle des Phéniciens (Cananéens) qui prirent la fuite devant Josué et qui se répandirent en Afrique jusqu'aux Colonnes d'Hercule.
"Là, dit-il, ils habitent encore, et ils se servent de la langue phénicienne.
"Ils bâtirent un fort dans une ville numidienne, là où est maintenant la ville qu'on appelle Tigisis. Il y a là, près de "la grande fontaine, deux colonnes faites de pierres blanches et sur lesquelles sont gravés des caractères phéniciens "qui, en langue phénicienne, disent ce qui suit : "Nous sommes ceux qui ont pris la fuite devant le brigand Josué, "fils de Naué "
( Procope., De bello vandalico, 1, II, cap. 20)
Les auteurs arabes ont aussi entendu parler de l'origine phénicienne de plusieurs peuples d'Afrique."

Salluste (Jugurtha, 18) dit de son côté :

" les Phéniciens.... fondèrent sur la côte maritime Hippone, Hadrumète, Leptis et autres villes; elles prirent un accroissement rapide et devinrent l'appui ou la gloire de leur métropole. J'aime mieux ne point parler de Carthage que d'en dire peu de choses, et mon sujet m'appelle ailleurs. "

Les chevaux mongoliques ont donc dû pénétrer très anciennement et à de nombreuses reprises dans les Etats Barbaresques.

Ils y sont même arrivés très longtemps avant l'époque de Josué, si vraiment les Hyksos poussèrent leurs conquêtes jusqu'à l'Océan Atlantique, comme le dit la tradition arabe.

Dans le cas où cette légende ne serait point fondée, les chevaux mongoliques se seraient du moins répandus dans les états Barbaresques à la suite de la soumission des populations libyennes, notamment des Tahennou, par Thoutmès III, de la XVIIIe dynastie égyptienne
(Voyez Maspéro, Hst. anc. p. 206-207.)

Piétrement 1882

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L'antiquité de l'arrivée des chevaux aryens dans les Etats Barbaresques est également incontestable; car, Scylax raconte dans son Périple au chapitre Libye, paragraphe 110 intitulé Lotophages, que les Gyzantes habitent auprès du lac Triton et qu'on les dit tous blonds et très beaux;
dans son hymne
A Apollon, vers 86,,Callimaque le Cyrénéen représente un choeur de blondes Libyennes assistant à la fête d'Apollon, célébrée à Cyrène, lors de la fondation de cette ville par Battus; et il est facile de montrer que ces populations blondes descendaient de migrateurs aryens très anciennement établis en Libye.

On a vu plus haut les
Toursha, Tyrsènes ou Pélasges tyrrhéniens de l'Asie Mineure s'alliant avec les Libyens pour attaquer l'Egypte vers la fin du règne de Séti Ier, et repoussés par son fils Ramsès II, alors associé à l'empire; mais ils renouvelèrent leurs attaques sous le règne de Ménephtah Ier, fils des Ramsès II.

Ce dernier fait est raconté dans une grande inscription hiéroglyphique découverte à Karnak, et traduite par de Rougé dans son Mémoire sur les attaques dirigées contre l'Egypte par les peuples méditerranéens, publié dans la Revue archéologique, t. XVI, 1867, pages 35-45 et 82-103.

Parmi les populations alors établies sur le littoral africain de la Méditerranée, cette inscription nomme à côté des Libyens (Lebu ou Rebu),
les Maschouasch, qui sont les Maxyes [..] d'Hérodote, et elle désigne l'ensemble de ces peuples sous le nom générique de Tamahou.

Les anciens monuments égyptiens, notamment le tombeau de Ménéphtah Ier dans le vallée de Biban-el-Molouk, représentent les Tamahou avec des yeux bleus, une peau blanche et des cheveux bruns, blonds ou roux.

M. le général Faidherbe a déjà fait observer que si les Egyptiens ont ainsi représenté les Tamahou, au milieu desquels se trouvaient les Maschouasch, c'est parce qu'ils

" remarquèrent dans l'ensemble de leurs ennemis ceux qui avaient des caractères physiques étrangers aux leurs " (Voyez le général Faidherbe, Sur l'ethnologie canarienne et les Tamahou dans le Bull de la Soc. d'anthrop. de Paris, année 1874, p; 144.)

Or ce n'étaient pas les Libyens, c'étaient les Maschouasch ou Maxyes que les Egyptiens ont figurés ainsi; car, suivant Hérodote (IV, 191), les Maxyes qu'il avait visités, étaient des laboureurs tatoués avec du vermillon, habitant des maisons à l'ouest du fleuve Triton et se disant issus des Troyens.

Les Maxyes devaient donc, avant l'époque de Ménephtah Ier, contemporain de Moïse, avoir amené des chevaux aryens à l'ouest du golfe de Cabès ou Gabès, dans lequel se jetait le fleuve Triton après avoir traversé le lac du même nom.

Ces chevaux aryens devaient être venus sur les flots de la Méditerranée, lors des plus anciennes migrations connues en Libye des populations pélasgiques d'Asie Mineure;
mais d'autres chevaux de même race durent gagner le nord de l'Afrique en traversant le détroit de Gibraltar avec le peuple des dolmens, qui introduisit dans cette région l'usage des tombeaux mégalithiques à une époque reculée, mais postérieure à celle de la construction des anciens dolmens de l'Europe occidentale, comme l'attestent les différences observées aussi bien dans le style de ces divers monuments que leur matériel funéraire;

car les objets qu'on a trouvés dans les tombeaux mégalithiques des Etats Barbaresques, notamment dans ceux de Roknia (province de Constantine), prouvent que tous sont postérieurs à l'âge de la pierre polie.

Piétrement 1882

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Dès le mois de janvier 1870,
M. Le général Faidherbe, qui venait d'explorer les tombeaux mégalithiques de Roknia, fit insérer dans les Bulletins de la Société d'anthropologie, pages 48-57, une Note sur l'ethnographie du nord de l'Afrique, à laquelle nous empruntons les renseignements suivants:
" Si, au lieu de l'Algérie, on considère l'ensemble de la Berbérie (Etats Barbaresques), on pourrait peut-être dire que, sur les 12 millions d'habitants environ qui s'y trouvent, il n'y a pas plus de 2 millions d'Arabes.
" Les dix autres millions sont les descendants des populations qui habitaient ces contrées lorsque les Arabes les envahirent, à partir du VIIe siècle.
" Ces populations, avant cette époque, avaient été soumises depuis les temps historiques à bien des révolutions, des invasions, des conquêtes, des dominations étrangères;
et pourtant il semble qu'elles n'avaient été que légèrement modifiées par le contact ou la domination des Phéniciens, des Grecs, des Romains et des Vandales.
Mais plus anciennement, avant nos époques historiques, c'est à dire les XIIe, XIVe siècles, avant Jésus-Christ, il semblerait qu'elles avaient été plus profondément bouleversées par une formidable invasion de gens du nord de l'Europe, venus certainement par l'Espagne et peut-être par l'Italie et la Grèce. "
(P. 49)

M. Faidherbe donne ensuite les caractères ethniques de la race indigène de la Libye, c'est à dire des Berbères, aussi appelés Atlantes, et qui sont les descendants de la race quaternaire de Cro-Magnon, comme on l'a vu dans le chap. II, §3;
il fait observer que

"beaucoup d'entre eux présentent depuis le moyen âge des traces évidentes d'altération par le mélange avec la race noire "; puis il ajoute :
" Les envahisseurs venus du nord de l'Europe étaient, eux, de farouches guerriers, de haute taille, à la peau très blanche, au teint coloré, aux yeux bleus ou au moins clairs, aux chevaux blonds, au crâne dolichocéphale, au visage ovale, au nez assez long et bossu, mais un peu élargi aux narines, au lieu d'être pincé comme le nez sémite : en un mot, le type kymrique.
" Aujourd'hui, parmi les indigènes non arabes, on trouve encore dans une certaine proportion des blonds ou des châtains de ce type. Cela dépasse rarement la proportion de un sur dix. Cependant cette proportion est dépassée, par exemple, dans certaines tribus de l'Aurès et principalement les Ouled-Yacoub, fraction des Amamra.
" Ces blonds avaient sans doute dominé, subjugué les indigènes libyens, puis ils s'étaient fondus avec eux, et leur langue disparut devant la langue indigène (le berbère). C'est du moins notre opinion.
" Ces envahisseurs blonds, nous ne doutons plus aujourd'hui de leur existence, des documents historiques égyptiens nous les ayant révélés sous le nom de Tamahou, en nous transmettant même leur image. Ils étaient tatoués et n'avaient pour vêtement que des peaux de bêtes. Ce sont ces blonds qui ont couvert la Libye de dolmens sur lesquels plusieurs travaux ont été dernièrement publiés.
Ces dolmens, les indigènes qui parlent arabe les appellenet aujourd'hui les tombeaux des Djouhala."
(P.50)

Considérant avec M. Le capitaine du génie Hennebert

" que les Arabes remplacent le g par un djim ( Senhadja pour Zénaga)",

M. Faidherbe en infère ceci avec M. Hennebert :

" Ce mot Djouhal, de même que le mot Guedal, nom d'une tribu berbère du désert marocain, qui ressemble tant aux noms Gadhel, Gaëll, Gall, noms anciens des habitants de la Gaule, serait donc le nom des envahisseurs blonds, constructeurs de dolmens, qui aurait survécu depuis trois à quatre mille ans." (P.51)

Piétrement 1882

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  Mais, il y a plus. Quand M. Faidherbe eut terminé son travail sur Roknia, M. Le lieutenant Sergent, commandant de l'annexe de Jemmapes, entre Bône et Philippeville, fit des recherches sur la population des environs, et il en rendit compte dans une lettre que M. Faidherbe a insérée dans sa note.
On y lit ceci :
" Les Denhadja comptent sept familles, installées dans la petite vallée de l'oued Aïn-el-Halleb, affluent du Sfsaf. Ils s'intitulent fièrement Ouled-el Djouhala (On sait que Ouled signifie fils, descendants).
Leurs voisins, lorsqu'ils veulent les insulter leur donnent aussi ce nom... Les tribus campées autout des Denhadja étaient autrefois toujours en guerre avec eux. On les traitait de païens, et les marabouts prêchaient la guerre sainte contre eux...
La raison pour laquelle les voisins des Denhadja les traitèrent en païens, c'est qu'ils ne purent jamais les faire renoncer à une coutume qu'ils tenaient de leurs pères, celles de dresser dans leurs cimetières des pierres levées appelées s'nob...
Les Djenhadja sont aujourd'hui aussi bons musulmans que leurs voisins. Cependant ils attachent une idée supersticieuse à leur s'nob...
Avant l'occupation française, l'état de guerre permanente dans lequel ils vivaient les forçait de se marier entre eux. Ils étaient alors tous blonds à yeux bleus. Un espion denhadji était vite reconnu à ces signes dans les tribus voisines. Aujourd'hui, aucune famille n'est denhadja pur sang; aussi les yeux bleus sont rares; il n'en existe plus que chez trois individus: une vieille femme, un homme fait et une petite fille de dix ans. Les cheveux et les sourcils sont châtains chez les hommes et souvent presque blonds chez les enfants."
(P. 52-55)

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" Lorsque M. Sergent voulut bien me communiquer cet intéressant travail, dit M. Faidherbe, je n'eus pas de repos que je n'eusse vu ces Denhadja.
Je les réunis à Jemmapes et les considérai avec la curiosité qu'is méritent. Je reconnus de suite, comme le dit M. Sergent, que la masse de cette fraction est devenue hétérogène, se composant de khammès, de domestiques de toute provenance, mais la famille même du chef (c'est à dire sept ou huit personnes, hommes, femmes et enfants) a un caractère de race qu'il est impossible de méconnaître. Le teint blanc et coloré, les joues charnues, la teinte des yeux, des cheveux, l'ensemble des traits, en un mot, les distinguent essentiellement, non seulement des indigènes bruns de l'Algérie, mais encore des Européens du midi, et ce n'est que dans nos provinces du nord de la France et dans la Belgique que je retrouve cet air de famille. "
(P. 56)

Les considérations précédentes nous autorisent à répéter que la civilisation aryenne s'est répandue pendant longtemps et par couches successives en Occident.
Les Aryas brachycéphales bruns ont, dans cette région plus que partout ailleurs, été aidés dans leur mission sociale par les dolichocéphales blonds ou Tudesques aryanisés, parce que pour se rendre en Occident beaucoup traversaient la patrie de ces hommes blonds, qui paraissent avoir été les plus nombreux et peut-être les seuls importateurs de l'usage des dolmens dans les Etats Barbaresques, où ils arrivèrent par la péninsule hispanique.

Ces anciens migrateurs durent par conséquent emmener avec eux des chevaux germaniques aussi bien que des chevaux aryens.

Piétrement 1882

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Si les faits exposés dans ce chapitre expliquent comment les chevaux aryens, mongoliques et gemaniques furent introduits dans les Etats barbaresques, un autre fait porte à croire que réellement aucune race chevaline n'a été domestiquée dans cette région, qu'elle était dépourvue de chevaux avant l'arrivée de ces trois races étrangères.

C'est la soumission du peuple libyen des Matsiou par Amenemhat Ier, fondateur de la XIIe dynastie égyptienne;

car, si les chevaux eussent dès lors existé en Libye, on ne s'expliquerait guère pourquoi les Egyptiens n'en ont pas alors adopté l'usage ; surtout si l'on considère que, depuis Amenhemat Ier, les Matsiou n'ont jamais cessé de fournir une milice de mercenaires à la disposition des gouverneurs des nomes. (Voyez
Maspéro, Hist. anc. p 102-338 et 379)

Diodore (III , 53-55) parle d'une nation d'Amazones qui aurait habité aux environs du lac Triton avant l'époque de Persée.

" Mirina, reine des Amazones, assembla, dit-on, une armée de trente mille femmes d'infanterie et de vingt mille de cavalerie; elles s'appliquaient plus particulièrement à l'exercice du cheval, à cause de son utilité dans la guerre."

Ces Amazones auraient subjugué beaucoup de tribus de Libyens nomades et bâti une ville dans une île du lac Triton.
Cette légende se rapporte peut-être à l'arrivée d'un peuple cavalier en Libye;

mais le document positif le plus ancien, qui nous soit parvenu sur l'antiquité de l'usage du cheval dans ce pays, est fourni par l'inscription précitée de Ménephtah Ier.

Dans son
Mémoire sur les attaques dirigées contre l'Egypte, dont il a été question plus haut, de Rougé traduit ainsi un passage de cette inscription, relatif aux captures faites par Ménephtah Ier sur le chef des Libyens:

" Chevaux qui appartenaient au vil chef de Rebu et aux fils du même prince, ramenés vivants, quatorze paires " (p.43); et il ajoute en note :" Ce chiffre un peu altéré, mais qui ne peut varier qu'entre 12 ou 14. Il paraît que les chevaux n'étaient pas encore très nombreux sur le côtes africaines."

Plus loin, à propos d'une autre attaque des Tamahou repoussée par Ramsès III et racontée dans une inscription trouvée à Médinet-Abou, de Rougé dit qu'on prit aux Maschouasch

"93 chars et 193 chevaux, ce qui indique que la race chevaline commençait à se multiplier dans ces contrées, qui se sont toujours distinguées depuis par l'excellence de leur cavalerie " (p.84).

Ces deux faits attestent l'antiquité de l'usage des chevaux en Libye, mais nullement que ces animaux y fussent plus rares à l'époque de Ménephtah Ier qu'à celle de Ramsès III;
car la capture des chevaux de guerre est loin d'être toujours proportionnelle au nombre de ceux qui prennent part au combat. Nous avons assisté à des batailles où la cavalerie engagée était certes aussi considérable que celles dont pouvaient disposer Ménephtah Ier, Ramsès III et les Tamahou leurs contemporains, sans que les vainqueurs aient pris 193 chevaux comme Ramsès III, ni même 28 comme Ménephtah Ier, parce que des circonstances exceptionnelles permettent seules de capturer des chevaux de guerre, aussi aptes à la retraite qu'à l'attaque, quand ils sont bien conduits.

Piétrement 1882

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