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chevaux aryens en orient

en Inde

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  Les chevaux aryens dans l'Inde (chap.IV §3) (suite) p234

La poésie épique indique du reste qu'il existait déjà de la cavalerie proprement dite chez les radjas, ou rois féodaux aryens feudataires ou suzerains, dès le début de la grande guerre qui mit fin à la période védique en Inde ha6


Cette guerre est celle du premier Râma, Paraçu-Râma ou Râma-à-la-hache, considéré comme la huitième incarnation de Vichnu. [...]

[...], après avoir battu les radjas et exterminé une partie des xattriyas, Paraçu-Râma devint.. seul souverain des Aryas de l'Inde; il transforma les anciens ordres aryens en castes et donna la prééminence aux prêtres.

Ce grand événement, qui ouvre une ère nouvelle par la constitution de la société brahmanique, est raconté dans le
Bhâgavata-Purâna, dont nous devons la publicalion et la traduction à Eugène Burnouf.
Chacun des chapitres de cet ouvrage se termine par une formule analogue à celle-ci :

" Fin du quinzième chapitre, ayant pour titre : Histoire de Paraçu-Râma, dans le neuvième livre du grand Purâna, le bienheureux Bhâgavata, recueil inspiré par Brahmâ et composé par Vyâsa. »

Le nom de Vyâsa, qui signifie Le Compilateur, qui est répété à la fin de chaque chapitre, et qui est aussi donné au collecteur des Védas et au prétendu auteur du Mahâbhârata, n'est évidemment pas un nom propre.

Le Bhâgavata-Purâna est donc une collection de morceaux de plusieurs mains et de différentes époques, comme le Mahâbhârata et tant d'autres compositions littéraires.
Malgré l'époque relativement très récente de sa composition, le Bhâgavata-Purâna n'en est pas moins considéré, par les savants de l'Inde et par Eugène Burnouf lui-même, comme l'un des ouvrages les plus estimables de la littérature hindoue.

[...] C'est dans le quinzième chapitre de ce neuvième livre que commence l'histoire de Paraçu-Râma, présentée avec tout le merveilleux poétique de nos romans de chevalerie. [...]
Quoique Paraçu-Ràma ait fini par réunir dans sa main toutes les forces des Aryas védiques, ni lui ni ses successeurs immédiats ne furent en mesure de reculer davantage leurs frontières vers le sud; les guerres intestines qui mirent un terme à la période védique avaient trop affaibli ce peuple, en décimant surtout les xattriyas.
C'est bien longtemps après, quand de longues années de paix eurent relevé la puissance de cette nation, enfin devenue assez nombreuse pour servir aux desseins d'un conquérant, qu'apparut à sa tête le second Râma, fils de Daçaratha, ou Râma-tchandra, chef d'une nouvelle dynastie et regardé comme la neuvième incarnation de Vichnu.
[...] le règne de ce prince fut signalé par un bien autre événement, qui

" n'est rien moins que la conquête de l'Hindustan par les Aryas, leur arrivée au promontoire extrême de la presqu'île, et leur passage dans l'île de Ceylan, à laquelle ils ont donné le premier nom connu dans l'histoire, Tâmra-parna (Taprobane) ." Em. Burnouf, Essai sur le Vèda, p. 154; voyez aussi p. 156 et 264.

Les aventures de Râma-tchandra sont chantées dans le Râmàyana de Valmiki, le plus ancien poète épique de l'Inde et l'inventeur des slokas ou distiques.

Quoique postérieur aux hymnes védiques, le Ràmàyana est assez ancien pour que ses renseignements méritent de fixer l'attention.

Au deuxième livre du Râmàyana, Bhârata, frère puîné de Rama-tchandra, est appelé dans la ville d'Ayodhyâ (Aoude) pour monter sur le trône de son père Daçaratha, qui vient de mourir. En arrivant dans cette ville, Bhârata apprend que, cédant aux intrigues de Kêkêyi, l'une de ses femmes, Daçaratha a banni Râma, son fils aîné, son légitime successeur.
Bhârata ordonne aussitôt à l'armée de le suivre auprès de Râma, auquel il veut remettre la couronne.

« Bientôt les généraux viennent annoncer que l'armée est déjà prête avec ses hommes de guerre, ses chevaux, ses voitures attelées de taureaux et ses admirables chars légers..... ils attellent de tous côtés, ils équipent des chameaux, des ânes, des éléphants ivres de rut et de nombreux coursiers.(Valmiky, Râmayana, liv. II, chapi. 89: tome III, p. 123-124..)
« Ensuite le beau jeune prince, ... se mit en route, assis dans un char superbe, attelé de chevaux blancs. Devant lui s'avançaient tous les principaux des ministres, montés sur des chars semblables au char du soleil et traînés par des coursiers rapides.
Dix mille éléphants, équipés suivant toutes les règles, suivaient Bhârata dans sa marche,...
Soixante mille chars de guerre, pleins d'archers et bien munis de projectiles, suivaient Bhârata dans sa marche, .... Cent mille chevaux (montés de leurs cavaliers) - (Les mots que nous avons placés entre parenthèses sont une glose du traducteur ; Valmiki dit simplement « cent mille chevaux », pour désigner cent mille cavaliers)
suivaient Bhârata dans sa marche... » (Valmiki, Râmayana, liv. II, chap. 90, t. III, p. 125 et 130).

Usant et abusant du merveilleux épique dans le récit de la conquête de l'Hindoustan, Valmiki donne à Râma de véritables animaux pour alliés, des singes commandés par Sugrîva, des ours commandés par Djâmbavat, etc. : image sous laquelle il faut voir les tribus anaryennes qui avaient été soumises par les Aryas, et qui se donnaient sans doute elles-mêmes des noms d'animaux comme les Peaux-Rouges d'Amérique. Lancé dans cette voie, le poète transforme les ennemis de Râma en Rakchasas, géants et génies malfaisants de la mythologie hindoue et il les fait commander par le démon à dix tètes, Râvana, roi de l'Hindoustan qui avait enlevé l'île de Ceylan à son propre frère Couvéra.

Le VIe livre du Râmâyana nous transporte dans cette île, au moment où va se terminer la lutte de Râma et de Râvana.
Pendant que Râma assiège Râvana dans Lankâ, capitale de l'île de Ceylan :

« Les Rakshasas aux formidables exploits, brûlant d'obtenir une prompte victoire à leur maître, tous épouvantables comme les nuées, d'où jaillissent des éclairs, tous munis d'armes variées, sortaient donc pour le combat, remplissant les voûtes du ciel par de hautes, par d'immenses clameurs, et déchirant le sol de la terre sous les pieds des coursiers aux panaches d'or, sous la roue des chars, semblables au soleil et pavoisés de drapeaux, tels que la flamme du feu, sous les pas des plus magnifiques éléphants, affreux à voir, les tempes stillantes de rut, et portant des guerriers, parés de grandes sonnettes, aux cuirasses éblouissantes, aux carquois ornés et liés sur leurs épaules. » (Valmiki, Râmayana, liv. VI, chap. 18, t. VIII, p, 125-126).
« Le plus vaillant guerrier des Rakshasas est Atikàya, l'un des fils de Râvana : « Aucun ne l'égale, qu'il faille combattre à cheval, sur les épaules d'un éléphant, dans un char ou l'arc au poing. »
(Valmiki, Râmayana , liv. VI, cli. ;il, t. VIII, p. 39)

En apprenant la mort d'Atikâya, son frère Indradjit monte sur son char et se précipite sur le champ de bataille :

« De nombreux héros à la grande vigueur, les mains armées de harpons, d'arcs et d'épées, suivirent à l'envi l'un de l'autre les pas de ce magnanime. Ceux-ci étaient montés sur l'épaule des éléphants, ceux-là équitaient sur des coursiers; tous portaient des massues, des haches, des cimeterres, des maillets d'armes et des harpons. » (Valmiki. Râmâyana, liv. VI, ch. 32, t. VIII, p. 410).

Râvana lui-même se prépare à combattre Râma et dit a ses principaux officiers :

« Que toutes vos excellences, environnées par tout ce que j'ai d'éléphants et de chevaux, sortent, appuyées et sur mes foules de chars, et sur mes fantassins!.....
Ensuite Râma, le héros vigoureux, à la vive splendeur, empoigne son arc, se plonge dans l'armée Rakshasî et fait pleuvoir une averse de flèches.....
Le voici, qui tue les armées d'éléphants; le voici, qui brise les grands chars; le voici, qui perce de ses dards les cavaliers.
«Textuellement : les chevaux, métonymie de l'animal, qui porte, pour l'homme, qui est porté. » (Note du traducteur Hipp. Fauche.) en même temps que les fantassins . » (Valmiki, Râmâyana, liv. VI, ch. 73, t. IX, p. 129, •13l, 132.)

Piétrement 1882

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  Enfin, ne serait-ce que pour montrer avec quelle fidélité le Bhâgavata-Purâna rapporte les anciennes légendes hindoues, nous citerons encore sa narration succincte de la guerre qui fait l'objet du VI° livre du Râmâyana :
« Ayant jeté sur l'Océan un pont formé des sommets de diverses montagnes, dont les chefs des singes faisaient mouvoir les arbres en le transportant..... suivi de Sugrîva, de Lakmana, de Hanumat, de Gandhamâda, de Nîla, d'Angada, de Djâmbavat et de Panasa, Râma s'avança contre l'armée des mauvais génies, qui était hérissée de glaives, de piques, d'arcs, de dards, d'épées, de lances, de flèches, de massues et de poignards.
S'élançant contre les bataillons de Râvana, composés d'éléphants, de fantassins, de chars et de cavaliers, Angada et chacun des généraux du prince des Raghus attaquèrent à coups de flèches, de massues, d'arbres et de montagnes, chacun des chefs de Râvana, qui, pour avoir porté la main sur Sitâ se voyait privé de sa fortune.» (
Bhâgavata-Purâna, liv. IX, ch. 10, t. III, p. 457.)

Ainsi, d'après le commentateur Koulloûka cité à la page 220,
l'usage simultané des chevaux attelés à des chars et des chevaux montés dans les combats existait déjà chez les Aryas de l'Inde lors de la rédaction de la
Loi de Manou;
une ancienne légende rapportée dans le Bhâgavata-Purâna montre même cet usage en pleine vigueur dès la fin de l'époque védique, dans les troupes du roi Ardjuna;
l'antique Râmâyana montre le même usage également répandu dans l'armée hindoue de Daçaratha père de Râma-tchandra et chez les populations anaryennes de l'Hindoustan et de Ceylan dès l'époque de la conquête de ces pays par Râma-tchandra; et l'on sait en quelle proportion les cavaliers et les chars de guerre devaient se trouver chez les anciens Hindous, dans une armée régulièrement constituée.

En effet, dit le colonel Armandi, d'après l'Amarâ-Cocha, la section élémentaire de leurs anciennes armées était ainsi composée : un éléphant, un char de guerre, trois cavaliers, cinq fantassins .
Chaque éléphant devait être monté par quatre hommes, et chaque char par deux; en sorte que cette espèce d'escouade comprenait quatorze hommes, cinq chevaux et un éléphant.
Il fallait un nombre déterminé de ces escouades pour former une division, et un nombre également déterminé de divisions pour composer une armée au grand complet.
Les mêmes bases sont établies dans le Mahabharat, où on lit qu'une grande armée, ou, comme nous dirions, une armée modèle, devait se composer de 109 350 fantassins, 65 610 cavaliers, 21 870 chars et 21 870 éléphants, proportion identique avec la précédente et qui est contemporaine des plus anciennes traditions militaires des Indiens . »
(Armandi, Histoire militaire des éléphants, p. 33.)

Comme Armandi fait remarquer en note, à propos de ce passage, qu'il a consulté Eugène Burnouf sur diverses particularités relatives aux antiquités de l'Inde, on admettra sans doute qu'il a fidèlement interprété le Mahâbhârata, ainsi que l'Amarâ-Cocha, qui est un dictionnaire scientifique par ordre de matières.

Diodore reste donc dans la vraisemblance historique
(II, 19), en donnant des cavaliers et des chars au roi hindou Stabrobatès pour repousser la légendaire Sémiramis, femme de Ninus.

L'usage simultané de la cavalerie et des chars de guerre persista du reste chez les Hindous jusqu'à une époque relativement récente; car, voici la tactique employée par Porus, après que les Grecs eurent franchi l'Indus et l'Hydaspe pour envahir son royaume.

« II marche donc contre Alexandre à la tête de trente mille hommes d'infanterie et de toute sa cavalerie, composée de quatre mille chevaux, de trois cents chars et de deux cents éléphants.
Diodore
(XVII, S7) donne à Porus environ 3000 cavaliers, plus de 1000 chars de guerre et 130 éléphants.
Arrivé dans une plaine ferme et propre au développement de sa cavalerie, il range ainsi son armée.
En avant les éléphants, à cent pieds de distance l'un de l'autre, doivent épouvanter la cavalerie d'Alexandre; ils couvrent l'infanterie indienne, rangée sur une seconde ligne, dont quelques points s'avancent dans les vides de la ligne des éléphants.
Porus avait pensé que jamais la cavalerie de l'ennemi n'oserait s'engager dans les ouvertures du premier rang, où les éléphants devaient effrayer les chevaux : l'infanterie l'oserait encore moins, menacée à la fois par ces animaux terribles et par les soldats de la seconde ligne. Cette dernière s'étendait jusqu'aux ailes, formées de la cavalerie appuyée sur l'infanterie ; au devant étaient les chars. »
(Arrien, Expédit. d' Alexandre, V, 4.)

Enfin, suivant Diodore, il y avait, aussi à l'époque d'Alexandre, de la cavalerie et des chars de guerre : chez les Gandarides ou Gangarides, cantonnés à l'est du Gange (XVII, 93) ; chez les Oxydraques et chez les Malliens, habitants de la vallée inférieure de'l'Indus (XVII, 98) ; ainsi que chez les Sambastes ou Abastans situés au sud des Malliens (XVII, 102).

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En résumé, l'ensemble des renseignements fournis par la philologie comparée, par l'Avesta, par le Véda et par les épopées hindoues, prouve que les Aryas ont amené leurs chevaux avec eux dans l'Iran et dans l'Inde, et qu'ils ont trouvé dans ces contrées d'autres populations possédant elles-mêmes des chevaux. On verra... que ces derniers étaient des chevaux de race mongolique qui avaient été amenés dans l'Iran et dans l'Inde par des peuplades mongoliques ; [...]

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