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HAUTE ANTIQUITE

Chevaux des Assyriens (4)

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  On a vu que Téglathphalasar Ier abandonna ses chars pour marcher à pied dans les passages difficiles, et qu'il ne mentionne aucune cavalerie proprement dite dans son armée, tandis que Sargon parle de ses chars et des cavaliers qui ne le quittaient pas, et que son fils Sennachérib voyageait à cheval dans les défilés des montagnes où il faisait porter ses chars démontés.

On constate même déjà l'usage simultané des chars de guerre et des chevaux montés sur les plus anciens bas-reliefs équestres assyriens dont nous ayions connaissance, c'est à dire sur ceux de Sardanapale III, trouvés à Nimroud.

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Il est donc probable que les Assyriens se servaient d'abord exclusivement de chevaux attelés pour les combats, comme les héros d'Homère, et que
l'habitude de combattre à cheval naquit en Assyrie entre le règne de Téglathphalasar Ier et celui de Sardanapale III

A partir de l'avènement de Sardanapale III, l'usage simultatné des chars et des chevaux montés pour les combats persista pendant plusieurs siècles en Assyrie, comme le témoignent les textes cunéiformes précités, et surtout les bas-reliefs équestres de ce roi, ainsi que ceux de ses successeurs nationaux, jusqu'à Assour-bani-pal ou Sardanapale V inclusivement.

Cet usage existait même encore en Assyrie lors de la chute de la dernière dynastie nationale;
car, dans la
Cyropédie (II, 1), l'un des interlocuteurs de Cyrus lui dit:

"Pour l'Assyrien, le roi de Babylone, qui est maître du reste de l'Assyrie, doit amener, je le présume, au moins vingt mille cavaliers; ses chars, je le sais, sont au moins de deux cents; et il a, je le crois, un grand nombre de fantassins; c'est là son habitude, quand il fait invasion chez nous." Xénophon

Or le roi de Babylone auquel Xénophon fait allusion, c'est Nabou-nahib ou Labynète qui fut vaincu par Cyrus et dont la défaite mit fin à l'empire assyro-chaldéen, en faisant passer la vallée du Tigre et de l'Euphrate sous la domination des Perses Achéménides, en l'an 538 avant notre ère (Hérodote, I, 188-191).

Ces considérations montrent que si
Diodore reste dans la vraisemblance historique en faisant figurer, sur la foi de Ctésias, des fantassins et des chars de guerre dans l'armée de Ninus (II,5) et dans celle de sa femme Sémiramis (II,17), il s'en écarte en donnant en outre des cavaliers à ces deux personnages. Il rentre dans la vraisemblance historique en faisant amener au siège de Troie vingt mille fantassins et deux cents chars de guerre, par le Susien Memnon, tributaire d'un roi d'Assyrie auquel il donne le nom de Teutamus (II, 22).
Diodore dit aussi, d'après Ctésias, à propos de la construction de Babylone par la légendairre Sémiramis, femme de Ninus:

"Sur les tours et les murailles, on avait représenté toutes sortes d'animaux, parfaitement imités par les couleurs et le relief. On y voyait une chasse composée de diffférents animaux qui avaient plus de quatre coudées de haut. Dans cette chasse, Sémiramis était figurée à cheval, lançant un javelot sur une panthère; auprès d'elle était Ninus, son époux, frappant un lion d'un coup de lance" (II,8).

Tout ce que l'on sait de l'ornementation architectonique assyrienne permet de croire à la réalité de cette scène de chasse. Elle pouvait même représenter, non pas la Sémiramis et le Ninus de la légende classique, mais la Sémiramis historique, qui était femme de Bélochus IV, suivant les inscriptions cunéiformes (Voyez Oppert, 'Hist de Chaldée et d'Assyrie, p. 128-132), et qui, d'après Hérodote (I, 184 et188), vivait six générations avant Cyrus, c'est à dire vers l'an 800 avant J.C.

Du reste, quoique, d'après les textes assyriens, l'usage de la cavalerie proprement dite ne paraisse pas avoir existé dans la vallée de l'Euphrate ni en Syrie à l'époque de Téglathphalasar Ier, les peuples de ces pays n'ignoraient cependant pas l'art de monter à cheval. Il y avait même dans leurs armées quelques cavaliers destinés à faire le service d'éclaireurs et à porter les ordres: la preuve en sera donnée dans le chapitre IX.

Piétrement 1882

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2 chevaux de front sous Assurbanipal
(Sardanapal V)

N.B. il y a 2 ornements de têtière et c'est tout ce que l'on voit du 2eme cheval

toutefois, il y a 3 paires de rênes,(?)

3 chevaux de front,
sous Assournasirpal
II

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NDLR

la recherche d'images de ces "chars attelés de couples de bêtes" nous amène à constater qu'on en trouve beaucoup plus d'attelés à 3 chevaux......


Les bas-reliefs assyriens sont aussi d'acord avec les textes cunéiformes sur d'autres points que ceux qui viennent d'être signalés.
Ainsi l'inscription de Téglathphalasar Ier a dit plus haut que les chars de ses armées étaient "attelés par des couples de bêtes", et les bas-reliefs équestres montrent également que les chars de guerre étaient généralement traînés par deux chevaux attelés de front.

L'usage des chars à trois chevaux attelés de front ne paraît cependant pas avoir été très rare chez les successeurs de Téglathphalasar Ier; car Assour-bani-pal en a signalé plus haut de semblables parmi ceux de ses ennemis les Elamites ou Susiens; et tels sont tous ceux des chars des bas-reliefs équestres trouvés à Nimroud et dont Layard a donné la reproduction dans The monuments of Niniveh, planches 11, 13, 14, 18, 21, 22, 23, 27, 28 et 31.

Un examen superficiel de certains bas-reliefs pourrait faire supposer que les Assyriens se sont quelquefois servis aussi de chars attelés d'un seul cheval, soit pour la guerre, soit pour la chasse; mais ce serait une erreur.

Pour figurer deux chevaux attelés de front, les artistes assyriens ont le plus souvent représenté un cheval masquant complètement toutes les parties de son compagnon d'attelage, corps et membres, sauf la tête qui déborde légèrement en avant; et, lorsque la tête est elle-même complètement cachée, il est toujours facile de s'assurer que le char est attelé de deux chevaux, en comptant les rênes que tient l'aurige.

Piétrement 1882

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chevaux amenés en tributs à Sargon II

Mais ce qu'il y a de plus intéressant dans l'étude de ces bas-reliefs, c'est qu'elle permet de reconnaître à quel type appartenaient les chevaux qui ont servi de modèles aux artistes assyriens.

Dans sa description des scènes équestres qui s'offrirent aux yeux de Botta lors des fouilles du palais de Sargon à Khorsabad, M. Ménant avait déjà fait remarquer avec raison que
"les chevaux ont le caractère du pur sang arabe" (Ménant, Les écrit. cunéif. p 15),

ce qui signifie qu'ils appartiennent au type du cheval aryen.[...]

Le type aryen des chevaux des bas-reliefs assyriens, qui sont tous des étalons représentés de profil, est même rendu avec d'autant plus de pureté que le monument sur lequel on l'étudie a plus de qualités artistiques. On peut déjà s'en assurer dans la galerie assyrienne du Louvre, malgré le peu de valeur artistique de la plupart de ses bas-reliefs équestres, d'ailleurs peu nombreux.

Les quatre chevaux conduits en main, marchant de front de droite à gauche, sur le grand bas-relief n°28 provenant du palais de Sargon à Khorsabad, sont déjà assez bien traités, quoique le modelé des formes laisse encore beaucoup à désirer. Mais notre seul bas-relief équestre assyrien qui soit réellement beau, c'est celui qui est scellé dans le mur de droite en montant, dans l'escalier de la galerie assyrienne du Louvre.

Il représente deux personnages et deux chevaux conduits en main, marchant l'un derrière l'autre de gauche à droite; un fragment détaché de ce grand bas-relief représente deux autres personnages dont l'un est le conducteur du cheval de droite.

Quant aux bas-reliefs équestres de la galerie assyrienne du British Museum, ils sont très beaux et très nombreux; nous en avons vu autrefois d'excellentes photographies; et notre ami M. André Sanson a étudié les originaux en 1879. Voici la note qu'il a écrite lors de sa visite au British Museum et qu'il a bien voulu nous laisser copier sur son carnet:

" Galerie assyrienne du British Museum. Trois fragments de bas-reliefs représentant, de grandeur naturelle, quatre magnifiques chevaux de type asiatique pur, conduits en main. Du reste, tous les chevaux de la galerie sont du même type, mais de grandeur moindre."

Or, on le sait, la race chevaline que M. Sanson appelle asiatique est celle que nous appelons aryenne.

Il faut observer en passant que, dans tous les bas-reliefs assyriens, les rayons inférieurs des membres des chevaux, c'est à dire les canons, ont une longueur exagérée; mais cela tient évidemment à un procédé artistique conventionnel, extêmement répandu dans l'antiquité; et nous rappellerons, à ce propos, que toutes les statues grecques de la bonne époque pêchent également par un excès de longueur du tibia, ou région inférieure du membre humain: remarque qui a déjà été faite par
M. Ch. Rochet. (Voyez bulletins de le Soc. d'anthrop. de Paris, année 1879, p 644.)

Les chevaux des bas-reliefs assyriens sont d'ailleurs assez bien rendus dans le Monument de Ninive de Botta et Flandin, dans Ninive et l'Assyrie par Victor Place, ainsi que dans les deux ouvrages de Layard, The monuments of Niniveh et A second series of the monuments of Niniveh, pour que nous recommandions toutes ces publications aux personnes qui ne pourraient pas visiter les galeries assyriennes du Louvre et du British Museum.

Piétrement 1882

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cop. de Le cheval ce seigneur, A de Monbrison,
(Hachette 1961) où légende curieuse ??....
voir Lo : cour Khorsabad

Monument de Ninive, M.P.E.Botta et Flandin,
images.
nypl.org

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La représentation constante du type équestre aryen sur les bas-reliefs est d'autant plus digne d'attention que les nombreux textes cunéiformes précités montrent que, depuis le règne de Téglathphalasar Ier jusqu'à la fin de la dynastie des Sargonides, les rois d'Assyrie ont constamment introduit dans la vallée du Tigre et de l'Euphrate des chevaux provenant de tous les pays où ils ont porté leurs armes victorieuses; et la même habitude existait évidemment chez leurs prédécesseurs.

Ces chevaux étaient naturellement, les uns de race mongolique, les autres de race aryenne, et tous venaient renforcer la population chevaline de la Mésopotamie, qui était à l'origine uniquement composée de chevaux mongoliques, puisqu'elle avait été amenée dans le pays par des peuples mongoliques, avant les migrations aryennes, comme nous l'avons montré dans le chapitre V, §3.

Il semblerait donc que, pendant la période comprise entre l'avènement de Téglathphalasar Ier et la mort de Sardanapale V, le sang mongolique aurait dû avoir une prédominance marquée dans la population chevaline de la Mésopotamie, et que les artistes assyriens auraient dû souvent, sinon toujours, représenter des chevaux de type mongolique; et cependant, on vient de le voir, tous les chevaux des bas-reliefs assyriens sont de type aryen pur.

Ce fait, extêmement remarquable, dénote avec certitude que les anciens Sémites de la Mésopotamie, comme tous les peuples arabes actuels, considéraient déjà le cheval aryen comme supérieur au cheval mongolique, aussi bien au point de vue purement esthétique qu'à celui du service de la guerre.

Les Assyro-Chaldéens doivent en conséquence s'être constamment efforcés par la sélection, par le choix d'étalons aryens, de faire prédominer le sang de ces derniers dans leur population chevaline, et ils y étaient nécessairement parvenus, malgré l'arrivée continuelle des contingents de chevaux provenant tant des razzias que des contributions, et parmi lesquels figuraient des chevaux mongoliques.

Il est vrai que jusqu'ici les textes assyriens sont restés muets sur la constitution et l'importance des haras qui ont amené un tel état de choses dans l'ancienne Mésopotamie, mais la lacune que laisse leur silence est comblée par Hérodote.

Piétrement 1882

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