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HAUTE ANTIQUITE
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cheval aryen et peuples aryens d'orient

philologie

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HISTOIRE DE LA RACE CHEVALINE ARYENNE CHEZ LES PEUPLES ARYENS DE L'ORIENT (chap.IV)

Documents philologiques. — Noblesse des mots « Caballus » et « Cheval ».(§1p186)

examen des documents fournis par la philologie comparée.

« D'aprés une énumération approximative, dit Pictet, le sanscrit n'a pas moins de cent quarante à cent cinquante noms pour le cheval, la jument et le poulain, et le persan en compte bien une cinquantaine. La plus grande partie est d'une origine relativement récente, et un petit nombre seulement de ces noms peuvent être considérés comme ariens, dans le sens général du mot. Ces derniers seuls doivent nous occuper ici.

Le principal est le sanscrit açva, masculin, açvâ, féminin, qui se retrouve sous des formes diverses chez tous les peuples ariens, à l'exception peut-être des Slaves. Les Védas ont açu à côté de açva, et açu, comme adjectif, signifie rapide (clef, ?). Le vent et la flèche sont appelés açuga, qui se meut rapidement. La racine est aç,[....].
« En zend, on trouve, âçu, rapide, et açpa, cheval, le groupe çv devenant presque toujours çp, ou sp dans la branche iranienne. De là le persan asp, asb,[....]. .
Le lithuanien aszwà, jument, est parfaitement identique au sanscrit açvâ, et il y a lieu de s'étonner que ce nom manque dans les langues slaves, où il a été sans doute remplacé par d'autres termes, quelques-uns d'origine tartare.
« Le grec hippos semble au premier abord différer grandement de açva, mais il s'en rapproche déjà par la forme éolienne ichos. Le changement du chi en pi n'a rien que d'ordinaire. Le latin equus, equa, a conservé la gutturale primitive, déjà affaiblie dans le sanscrit açva pour akva, le ç provenant toujours d'un k plus ancien. Le valaque épa, jument, revient à la forme grecque.
" Le thème ancien s'est parfaitement maintenu dans le gothique aihva [....]. Le nominatif a dû être aihvs ou aihvus, daprès l'ancien allemand ehu, anglo-saxon eoh, scandinave ior (génitif ios), en composition io, contracté de iho. J
" Je rappelle que l'h germanique remplace régulièrement le k sanscrit.

" Restent les langues celtiques où ce nom du cheval se retrouve sous trois formes différentes.
D'après
Pline (liv. III,ch. 17), les Gaulois appelaient eporedicos les dompteurs de chevaux, et comme le cymrique rheidiaw, armoricain rédia, signifie forcer, contraindre, le mot epo a dû désigner le cheval.
On le reconnaît dans plusieurs noms d'hommes gaulois et galates, tels que Eporedorix
(César, VII, 39), Eposognatus (Polybe, XXII. 20), Eposterovidus (Gruter, Insc. 235,5); Eponina (Tacite, Histoires, IV, 67), etc. . Le cymrique, comme le grec, change souvent le k en p, ce qui n'arrive jamais pour l'irlandais. La forme epo serait donc bien dans le génie de ce dialecte; mais, au lieu du mot gaulois, on trouve le masculin echw et le féminin osw, qui représentent les deux variantes de açva, vers la gutturale et la sibilante. Une trace d'un troisième thème avec b pour p se remarque cependant encore dans ebran, ration de cheval (rhan, portion), [....].. L'irlandais-erse ech, each, cheval, a perdu complètement le suffixe de dérivation va et se trouve réduit à la racine aç.
« Ce groupe remarquable d'un des noms du cheval, qui embrasse presque toutes les langues ariennes, est un exemple frappant de l'importance du sanscrit pour la recherche des origines. En partant du thème açva et de son étymologie certaine, les formes les plus divergentes se relient entre elles et s'éclairent mutuellement. Mais comment, sans l'aide du sanscrit, aurait-on jamais songé à rapprocher osw de hippos? ou du scandinave io? Etablir quelque rapport d'affinité entre ces mots qui n'ont pas une seule lettre commune aurait paru aussi absurde que de faire venir alfana de equus, et cependant cette affinité est incontestable »
(Pictet, Orig. ind.-eur., t. Ier, p 345-347.)

On peut aussi consulter, sur les noms celtiques du cheval dont il vient d'être question, la seconde édition du Glossaire gaulois de Roget de Belloguet, aux mots Epona, Eporediae ou Eporedicae, et Rheda ou Reda. On voit notamment au mot Eporediae que Armstrong rapproche l'espagnol haca et nos vieux mots français haque et haquenée du gaëlique each.

Quant à Epona, on sait que c'était une divinité gauloise à laquelle les Romains avaient donné le droit de cité comme à tant d'autres déités étrangères ; c'était la déesse des chevaux, des bêtes de somme et des palefreniers ; et
Juvénal nous apprend dans sa satire VIII, vers 155-156, qu'on peignait ses portraits sur les murs des écuries.

Adolphe Pictet a d'ailleurs publié, dans la
Revue archéoloqique (nos d'octobre 1864 et de février 1865), une Etude sur les noms d'hommes gaulois empruntés aux animaux, notamment sur ceux où l'on trouve le mot épo, [....].

Pour revenir à notre sujet, nous rendrons la parole à
Pictet, qui va montrer que l'extension du mot aryen type de notre mot cheval a été à peu près égale à celle du mot dont sont dérivés les termes équidés et équitation.

« Dans le vocabulaire kavi de Stamford Raffles, on trouve kapala comme un des noms du cheval. On sait que le kavi est un ancien dialecte malais fortement mélangé de mots sanscrits, lesquels souvent, comme dans le singhalais, manquent aux lexiques de l'Inde. Le cheval était primitivement étranger à l'archipel, et son unique nom malais kudha est emprunté au sanscrit ghôta (Humboldt, Kawi Sprache, t. II, p. 11, note).
Il paraît certain, d'après cela, que kapala provient de la même source, et il ne peut guère se rattacher qu'au sanscrit tchapala, rapide,...
Comme substantif, ce mot signifie poisson, éclair, vif-argent, voleur, et le sens de cheval peut fort bien lui avoir appartenu.
« Longtemps avant de connaître le terme kavi, j'avais rapporté à tchapala l'irlandais capall, capuill, cheval, jument, en cymrique ceffyl, cornique kevil, et ce rapprochement, mis en doute par Diefenbach, se trouve ainsi confirmé. Benfey (Gr. W. Lex., II.157) pense que le grec caballes provient de caballus, et que celui-ci est d'origine celtique ; mais l'ancien slave, russe et polonais kobyla, illyrien kobila, hongrois cabala, jument, n'est sûrement ni celtique ni latin, et indique une commune origine arienne. Cela résulte encore mieux du lithuanien kumméle, jument, kummelys, poulain, très probablement pour kumpéle, d'un thème kampala = tchapala; comme racine kamp = tchamp, tchap . (clef sanscrit kampra, agile, mobile. ; kampa, kampana, tremblement, agitation). Enfin, tout ce groupe de noms européens se relie à l'extrême Orient par l'intermédiaire du persan kawal, cheval entier et rétif, cheval de somme. »
(Pictet, Orig. ind.-eur., t. I, p. 347-348.)

[....]
L'immense et antique extension de ces deux principaux groupes de noms aryens du cheval prouve surabondamment que les Aryas ont connu cet animal dès l'époque de l'unité avant que les migrateurs aryens répandissent leur langue et leur civilisation depuis le Gange jusqu'en Irlande, puisque la longue absence de relations entre les Hindous et les peuples aryens de l'Europe occidentale s'est opposée à ce qu'ils pussent se communiquer leurs noms du cheval après leur séparation.
On est même conduit à en conclure que les Aryas ont originairement domestiqué une race de chevaux, surtout si l'on considère que quelques noms anaryens du cheval, qui sont passés dans certains dialectes aryens, sont au contraire restés localisés dans des régions très restreintes : ce qui s'expliquerait difficilement si les Aryas eussent reçu d'un peuple étranger le cheval tout domestiqué.[....]

Dans ses
Orig. ind.-europ., t. I, p. 351, Pictet a déjà identifié le « sanscrit, marâla, cheval, littéralement doux, docile », avec le « cymrique merl, merlyn, petit cheval ». Voulant nous assurer de la valeur de ce document, nous nous sommes adressé au savant professeur de langues celtiques à l'Ecole des hautes études, M. Gaidoz, qui a bien voulu nous donner les renseignements suivants : On trouve en effet dans le dialecte gallois, improprement appelé cymrique par Pictet, non seulement un nom du cheval, merl, identique au sanscrit marâla, mais aussi deux formes diminutives, le masculin merlyn et le feminin merlen, qui signifient poney, c'est-à-dire cheval ou jument de petite taille.
Voilà donc un nom du cheval, commun aux anciens Hindous et aux anciens Gallois de l'île de Bretagne, remontant par conséquent a l'époque de l'unité aryenne, et dont le sens littéral est bien connu, puisque l'adjectif sanscrit marâla signifie mou, tendre, doux, docile. C'est donc pour désigner un cheval docile, un cheval assujetti, domestiqué, que les anciens Aryas ont pris cet adjectif substantivement, puisque la chair du cheval n'est ni molle ni tendre.

Piétrement 1882

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II ne reste plus à la philologie qu'à montrer ce peuple utilisant le cheval comme moteur. Or on trouve

« le sanscrit sâdi, sâdin, guerrier, plus spécialement celui qui combat à cheval ou sur un char, c'est-à-dire qui est assis, de sad, sedere, par opposition au fantassin, padaga, padga, padâta, qui va à pied, de pad, pada +gam ou at, ire. [....] » (Pictet, Orig. ind.-europ., t.II, p.195.)

Pictet aurait pu ajouter que sedens, déjà employé par Virgile, est l'un des noms latins du cavalier.
Il fait du reste observer avec raison que le nom qui correspond à notre mot selle, en russe, en polonais, en illyrien, en anglais, en scandinave et en latin, provient aussi du verbe aryen précité : ce qui lui donne le sens de siège.
[....]
Les trois mots sâdin, vu-sadinu et sedens suffisent d'ailleurs pour indiquer que les Aryas se sont servis du cheval dès l'époque de l'unité, car il n'est pas vraisemblabe que les anciens Hindous, les anciens Slaves et les anciens Romains aient chacun de leur côté formé l'un de leurs noms du cavalier sur un même verbe aryen signifiant « être assis sur », après la dispersion des rameaux aryens qui ont pénétré dans l'Inde, en Russie et en Italie; ce nom du cavalier doit, tout aussi bien que le verbe dont il provient, remonter à l'époque de l'unité aryenne.

Il faut en outre observer que, malgré son acception étymologique "être assis sur", ce nom a été employé pour désigner un combattant à cheval et un combattant en char, bien que les combattants en char aient toujours combattu debout, et non assis, sur leur véhicule.
On doit en conclure que ce nom a été d'abord donné uniquement au cavalier proprement dit, qu'il n'a été appliqué que plus tard aux monteurs de chars, et que les Aryas ont monté à cheval avant de monter sur des chars traînés par des chevaux: ce qui, du reste, n'implique nullement qu'ils aient combattu à cheval avant de combattre en char.

Il est d'ailleurs incontestable que les Aryas ont connu le char dès l'époque de l'unité ; la concordance des termes qui désignent soit « le char », soit « la roue » dans la plupart des dialectes aryens orientaux et occidentaux, ne laisse aucune espèce de doute a cet égard, comme l'ont fait remarquer A. Pictet dans les
Origines indo-européennes, t.-II, p. 108-111, et M. Girard de Rialle dans Les peuples de l'Asie et de l'Europe, p. 117.

En résumé, les documents philologiques précités montrent que les Aryas ont connu, domestiqué et utilisé le cheval comme moteur, dès l'époque de l'unité.

Mais dire, comme
Pictet ( Orig. ind.-europ., t. II, p. 196, en note) que l'identité du grec chalinos (kalinos) et du sanscrit khalina est l'une des preuves

« que l'art de conduire les chevaux était connu des anciens Aryas »;

cela revient à dire qu'en sortant de leur patrie les migrateurs aryens ont emporté le mors et son nom en Grèce et dans l'Inde : assertion qui est formellement contredite par les documents que l'on possède sur l'histoire du mors dans ces deux contrées et sur l'histoire des mots chalinos et khalina.

En effet, le mot chalinos, est très ancien en grec, puisque Homère s'en sert déjà pour désigner les mors des chevaux d'Achille
(Iliade, XIX, vers 393), tandis que le mot khalina n'existe pas dans le Véda ; on ne le trouve que dans des textes sanscrits relativement récents, postérieurs à la conquête de l'Inde par Alexandre de Macédoine. On lit en outre dans Strabon (XV, I, § 66) :

« Néarque nous apprend que..., avec leurs chevaux, ils (les Hindous) se servent, au lieu de mors (chalinôn), de caveçons (phimoes), qui ne diffèrent guère de nos muserolles kemôin que parce que le double bord en est garni de clous ».*

*(N.B.Nous avons remplacé par le mot muserolles, celui de muselières employé par le traducteur M. Amédée Tardieu et antérieurement par Coray; car la partie du harnachement du cheval qui ressemble au caveçon s'appelle une muserolle et non une muselière. La phrase de Strabon prouve que les lexiques grecs ont tort de donner l'expression muselière de cheval comme l'une des acceptions du mot kemos et de ne point donner l'acception muserolle.)

On est forcé d'en conclure que le mot chalinos est purement hellénique, et que les Hindous ont pris le nom et l'usage du mors aux Grecs, seulement après la conquête de l'Inde par Alexandre, dont Néarque était l'un des lieutenants.

Il paraît d'ailleurs, et cela se conçoit facilement, que les Hindous ne remplacèrent que peu à peu, très lentement, l'usage du caveçon par celui du mors ; car on sait par
Strabon (XV, I, § 52) que suivant Mégasthène, qui vint dans l'Inde une trentaine d'années après Alexandre, les chevaux de ce pays étaient encore sans mors (achalinôtoïs): ce qui indique tout au moins que l'usage du mors était encore loin d'y être généralisé.

Nous ferons aussi remarquer à ce propos que, suivant certains lexicographes, chalinos viendrait probablement du verbe chalao le fait est même donné comme certain dans le dictionnaire grec d'Alexandre. Mais il n'est guère admissible que le mors, instrument destiné à diriger, à retenir et à arrêter le cheval, ait reçu des Grecs un nom provenant d'un verbe qui signifie au contraire délier, dégager, lâcher, relâcher.
Pour nous, le mot chalinos est identique au mot kalinos qui vient de kalon bois, dont le sens étymologique est « fait de bois », et dont les sens dérivés sont poutre, solive, morceau de bois.

Nous en concluons que le mors était à l'origine un morceau de bois; ce que l'on admettra facilement si l'on considère que l'usage du mors chez les Grecs remonte à une époque où les métaux étaient rares et chers, c'est-à-dire à une très haute antiquité, comme l'indiquent certaines traditions qu'on trouvera dans le paragraphe 5.

On ne saurait d'ailleurs objecter à l'identification des mots chalinos et kalinos, la présence du kappa dans l'un et celle du chi dans l'autre, puisqu'il n'est pas absolument rare de trouver en grec des mots qui s'écrivent indifféremment avec l'une et avec l'autre de ces lettres. Il n'est même pas nécessaire de chercher en dehors du harnachement du cheval pour en trouver un exemple, puisque le nom de la muserolle s'écrit kamos et chemos.

Enfin, le long oubli dans lequel était tombé en Europe le sens étymologique des divers noms aryens du cheval a seul permis à certains auteurs d'attribuer une acception péjorative au latin caballus, par suite au français cheval; [....]
Les auteurs latins s'accordent en effet à attribuer un sens plus noble au mot caballus [....] d'où nous vient notre nom du cheval, et dont le sens étymologique est "le rapide, le coursier."

Piétrement 1882

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