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ANTIQUITE


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Arabes (2)

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enfant sur un cheval, Arabie du sud
vers 1er à 3eme siècle (Lo)

  LES CHEVAUX EN ARABIE (chap VIII) (suite)

[....] l'expédition (de Gallus) dans " l'Arabie Heureuse " fournit à Strabon beaucoup de nouveaux renseignements "sur les curiosités de l'Arabie ". (Strabon, II, v. 12, et XVI, IV, 22.)

Strabon a raconté cette expédition de Gallus dans son liv. XVI, ch. IV, § 22-24.
On y voit que Gallus partit d'Egypte avec une armée d'environ dix mille fantassins, dont cinq cent Juifs et mille Nabatéens aux ordres de son guide Syllæus, ministre du roi nabatéen Obodas (Abd-Waad).

Il débarqua dans le nord de l'Hedjaz actuel, au port de Leucécômé, qui était le grand marché des tribus nabatéennes fixées sur les côtes orientales du golfe Arabique.
Après avoir traversé les Etats d'Obodas et de son parent Arétas (Harith), Gallus prit d'assaut la ville capitale de Négrana, puis il tua dix mille Arabes dans une bataille livrée au passage d'un fleuve dont les copistes ont laissé perdre le nom;
il s'empara ensuite de deux autres villes capitales, Asca et Athrula; mais le manque d'eau le força de lever le siège de ville de Mariaba, qui n'est plus aujourd'hui que le bourg de Mareb (Sur Mareb et l'ancienne Mariaba, voir
Noël Desvergers, Arabie, p. 20-21)

En l'an 24 avant notre ère, pendant une expédition de huit mois, Gallus avait donc traversé tout l'Hedjaz, pénétré jusqu'au coeur de l'Yémen, et assez combattu les Arabes pour être en mesure de bien renseigner son ami Strabon sur les qualités guerrières de ce peuple. Or voici ce que dit
Strabon dans sa narration de l'expédition de Gallus:

"Les Arabes, qui ne sont rien moins que belliqueux sur terre en leur qualité de marchands et de trafiquants, sont naturellement sur mer encore moins hardis; "

et il ajoute plus loin, à propos des dix mille Arabes tués en défendant le passage du fleuve:

"Mais ces barbares sont très peu belliqueux de leur nature, et rien n'égale la maladresse avec laquelle ils manient leurs différentes armes, l'arc, la lance, l'apae, la fronde, voire même la hache à deux tranchants, qui était l'arme du plus grand nombre."

Dans le même paragraphe, après avoir parlé de la grande presqu'île qui était habitée par les Garindæi, et qui est la presqu'île actuelle du Sinaï, située entre les deux prolongements septentrionaux de la mer Rouge, le golfe de Suez à l'ouest et l'ancien golfe Ælanitique, aujourd'hui d'Akabah, à l'est, Strabon avait dit:

"Passé la côte des Garindæi, on voit s'ouvrir devant soi le golfe Ælanite et commencer en même temps la Nabatée, laquelle forme une contrée aussi riche en hommes qu'elle est riche en troupeeaux.
Les Nabatéens n'habitent pas seulement le continent, ils occupent aussi les îles voisines."

C'est évidemment de cette Nabatée péninsulaire, située sur la rive orientale du golfe Ælanitique et sur celle du nord-est de la mer Rouge, que Strabon dit plus loin:

"Le sol de la Nabatée est généralement fertile et productif, l'olivier est le seul arbre auquel il ne convienne pas; aussi (à défaut d'huile d'olive) ne se sert-on que d'huile de sésame. Les moutons ont tous la laine blanche; les boeufs sont grands; le pays ne nourrit pas de chevaux, mais les chameaux en tiennent lieu et les suppléent en tout. " (Strabon, liv. XVI, ch.IV, §26)

Or cette Nabatée, située à l'est de la partie septentrionale de la mer Rouge et ne nourrissant pas de chevaux était précisément celle qui était commandée par Obodas à l'époque de Strabon, celle où Gallus avait débarqué et voyagé lors de son expédition en Arabie; de même que ce général avait parcouru les armes à la main une grande partie des contrées méridionales de la péninsule, où son ami Strabon déclare qu'il n'y avait alors ni chevaux ni mulets.

Strabon devait d'ailleurs savoir que de son temps il y avait déjà des chevaux chez les Nabatéens extra-péninsulaires de Pétra, puisqu'il était né quelques années après la mort de César et d'Hirtius, et qu'au liv. XVI, ch. IV, § 21, il donne des renseignements sur la ville de Pétra, espèce d'oasis perchée sur un rocher abrupt au milieu d'une contrée aride, ainsi que sur la droiture des moeurs de ses habitants, d'après le témoignage d'un témoin oculaire, son ami le philosophe Athénodore.

S'il n'a pas jugé à propos de parler des chevaux de ces alliés du peuple romain, c'est évidemment parce qu'ils habitaient à côté d'autres alliés également pourvus de cavalerie et dont ils ne différaient nullement sous ce rapport.

Quant à
Diodore de Sicile, qui vécut sous César et Auguste et qui mit trente ans à composer sa Bibliothèque historique, dont la date de la rédaction doit par conséquent être intermédiaire entre celle de la Guerre d'Alexandrie d'Hirtius et celle de la Géographie de Strabon, voici ce qu'il dit des Nabatéens (XIX, 94)

"Les Arabes Nabatéens vivent en plein air; ils donnent le nom de patrie à une contrée où l'on ne voit ni habitations, ni rivières, ni sources abondantes qui puissent procurer de l'eau à une armée ennemie.
D'après une loi du pays, ils ne sèment pas de blé, ne plantent aucun arbre fruitier, ne boivent pas de vin et ne construisent aucune maison.
Ceux qui font le contraire sont punis de mort.
Les Nabatéens maintiennent cette loi, persuadés que ceux qui se créent des besoins deviennent facilement les esclaves de ceux qui peuvent les satisfaire.
Ils élèvent, les uns de chameaux, les autres des moutons, et habitent le désert.
Presque toutes les tribus arabes mênent une vie nomade; mais les Nabatéens, bien que leur nombre ne dépasse pas dix mille, sont beaucoup plus riches que les autres, parce qu'ils ont, pour la plupart, l'habitude d'aller vendre sur les côtes l'encens, la myrrhe et les plus précieux aromates qu'ils reçoivent des marchands qui les apportent de l'Arabie Heureuse.
Ils sont jaloux de leur liberté, et, lorsqu'un ennemi puissant s'approche de leur pays, ils s'enfuient dans le désert comme dans une forteresse."

Diodore ajoute plus loin qu'en cas de danger ces Arabes Nabatéens ont l'habitude, avant de s'enfuir dans le désert, de déposer à Pétra leurs richesses, leurs enfants, leurs femmes et leurs vieillards, ce qui ne laisse aucun doute sur l'emplacement de leur patrie.
Le portrait peint par Diodore convient toutefois assez peu aux Nabatéens de Pétra ses contemporains, qui avaient déjà été les alliés de César, auquel ils fournirent de la cavalerie, et qui fournirent également sous Cléopatre un corps d'archers pour la garde personnelle des Ptolémées; mais la contradiction n'est qu'apparente.

En effet, dans Diodore, qui s'est plus occupé d'histoire ancienne que de celle de son temps, la peinture des Nabatéens est une simple digression dans le récit qu'il fait (XIX, 94-100) des tentatives infructueuses d'Antigone pour soumetre ce peuple en l'an 312 avant notre ère, Diodore a donc emprunté aux historiens des guerres des successeurs d'Alexandre le récit des expéditions d'Antigone contre les Nabatéens de Pétra, ainsi que le portrait de ce peuple, portrait qui montre par conséquent la physionomie des Nabatéens à la fin du IVe siècle avant Jésus-Christ et qui ne leur donne pas encore de cavalerie.

Mais, depuis l'ère des Séleucides (311 avant Jésus-Christ), les Nabatéens prirent parti tantôt pour les rois de Syrie, tantôt pour les rois d'Egypte, dans les guerres qui déchirèrent ces contrées (Voyez
Noël Desvergers, Arabie, p 95-96) et c'est évidemment pendant leur séjour dans les armées des Séleucides et des Ptolémées qu'ils adoptèrent l'usage des chevaux : ce qui leur permit plus tard de fournir de la cavalerie à César, comme on l'a vu à la page 435

Diodore parle d'ailleurs des Dèbes (III, 45) dans les mêmes termes que Strabon, et il dit, II, 54 :

"La partie de l'Arabie qui, située au delà de l'Arabie Heureuse, borde l'Océan, est traversée par de grands et nombreux fleuves donnant naissance à des lacs et à des marais immenses...
On y trouve beaucoup de bestiaux, particulièrement des boeufs et des moutons à queue longue et épaisse.
Il y a des espèces nombreuses et variées de chameaux.... les dromadaires, étant plus légers et ayant les jambes plus grêles, supportent de grandes marches à travers des contrées désertes et sans eau.
Ces animaux servent même dans la guerre; ils sont alors montés par deux archers, placés dos à dos, dont l'un combat dans l'attaque et l'autre dans la retraite."

Piétrement 1882

détail de bas-relief assyrien

 
Hérodote dit des Arabes que
"Cyrus les avait subjugués et ensuite Cambyse. Mais les Arabes ne s'étaient pas soumis à la servitude des Perses;
ils furent leurs alliés et secondèrent Cambyse lorsqu'il entra en Egypte: car jamais les Perses n'auraient pu, contre le gré des Arabes, pénétrer dans cette contrée." (III, 88)

Cambyse avait en effet envoyé Planès, d'Halicarnasse, demander au roi des Arabes passage et sûreté (III,4).

"Lorsque l'Arabe se fut engagé avec les députés de Cambyse, voici ce qu'il imagina : il remplit d'eau des outres faites de peaux de chameaux et les chargea sur des chamelles vivantes qu'il poussa dans le désert, où elles attendirent l'armée des Perses" (III, 9).

Or ce roi des Arabes dominait incontestablement sur la région de l'Arabie qui porte aujourd'hui le nom d'Hedjaz, puisque Hérodote parle d'un fleuve de son pays qui se jetait dans la mer Rouge à douze journées de marche du désert (III, 9) C'était vraisemblablement dans ce cours d'eau que le roi arabe avait fait remplir les outres; mais, dans les récits légendaires de certains narrateurs, ces outres de peau étaient devenues un long tuyau de peau.

Il est à peine besoin d'ajouter que, la vallée de l'Euphrate et la Syrie étant deux des principaux débouchés pour les denrées commerciales des Arabes péninsulaires, ceux-ci devenaient forcément les alliés et les tributaires des souverains de ces contrées; c'est ce qui explique la nature de leurs relations avec les roi Achéménides;
et c'est pourquoi, parmi les présents que Darius, fils d'Hystaspe, recevait des peuples alliés,

" les Arabes fournissaient cent talents d'encens chaque année." (Hérodote, III, 97).

En outre, les Arabes représentés par Hérodote comme les alliés des Achéménides, ayant été des habitants de la Péninsule et tout particulièrement de l'Hedjaz, on voit de quelle importance sont les renseignements qu'il fournit sur les contingents arabes de l'armée de Xerxès, dont nous avons parlé incidemment à la page 218, et sur lesquels il convient par conséquent d'insister davantage.

Il range à la vérité les Arabes parmi les cavaliers; mais on va voir quelle sorte de cavaliers c'était.

".... les Arabes, cavalerie équipée comme l'infanterie, sauf que tous ces derniers montaient des chameaux ne le cédant en rien aux chevaux pour la vitesse." (VII,86)
"Telles étaient les seules nations qui eussent fourni de la cavalerie; le nombre de chevaux s'élevait à quatre-vingt mille, outre les chameaux et les chars;
ils étaient organisés par nations, et les Arabes marchaient les derniers: car, comme les chevaux ne peuvent souffrir les chameaux, on avait relégué ceux-ci aux rangs extrêmes, pour qu'ils n'effarouchassent pas la cavalerie." (VII,87)

[....]

Polybe ne parle pas non plus des chevaux des Arabes, bien qu'il mentionne les soldats de ce peuple dans l'armée d'Anthiochus le Grand (V, 71,79,82et 85).
Ce roi pénétra même, en revenant de l'Inde, vers l'an 200 avant notre ère, dans l'Arabie Heureuse, chez les Gerrhéens, auxquels appartenaient les villes de Laba et de Saba.

"Lorsqu'il eut confirmé la liberté des Gerrhéens et reçu d'eux, comme hommage, cinq cents talents d'argent, mille d'encens et deux cents de parfum appelé stacte, il s'embarqua pour l'île de Tyle, et de là partit pour Séleucie. "(Polybe, XIII, 9)

Quelques années plus tard, en l'an 191 avant notre ère, le jour de la bataille de Magnésie, Antiochus le Grand avait disposé une partie de sa cavalerie à gauche de son infanterie, au rapport de Tite-Live, qui ajoute (XXXVII,40):

"Devant cette cavalerie était une rangée de quadriges armés de faux et une ligne de dromadaires.
Ces animaux étaient montés par des archers arabes, dont les épées étaient étroites, mais longues de quatre coudées, de façon à atteindre l'ennemi d'une telle hauteur."

Piétrement 1882

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[...] nous devons (..) indiquer pourquoi, après être restés de simples trafiquants et des combattants à dos de chameaux jusqu'à l'époque d'Auguste,
les Arabes péninsulaires finirent par adopter l'usage du cheval dans les premiers siècles de l'ère chrétienne.
Si à l'usage du dromadaire, qui ne peut être utilisé d'une façon véritablement efficace que dans des pays d'une configuration toute spéciale, les Arabes joignirent alors l'usage du cheval, ce serviteur cosmopolite, c'est parce qu'à ce moment ils étaient sous l'impression d'une puissante fermentation, prélude de leur dernière grande irruption extra-péninsulaire qui allait leur donner l'empire du monde pour quelques siècles, et changer la face de la civilisation dans de si nombreuses et si belles contrées de l'Ancien Continent, en y portant une religion nouvelle.

Cette état de fermentation d'où sortit l'islamisme et qui, pendant plusieurs siècles, prépara les Arabes à leurs hautes destinées, a été mis en lumière par la critique contemporaine;
et l'on peut, dès le commencement du IIe siècle de notre ère, en reconnaître les premières manifestations dans les événements qui, sous Amrou-ben-Amer, dit Mozaïkia, déterminèrent l'émigration de nombreuses tribus azdides, de l'Yémen dans le reste de la péninsule, et plus tard en Syrie et dans la Babylonie.

Les tribus émigrées de l'Yémen avec Amrou Mozaïkia s'étaient d'abord réfugiées dans le pays des Benou-Acc, sur les frontières de l'Yémen et du Téhama.

Des querelles qui s'élevèrent entre elles et les anciens habitants les forcèrent au bout de quelques années de s'en aller à Batn-Marr, auprès de la Mecque, chez les Djorhomites.

Mais le territoire aride de la contrée ne pouvant nourrir un si grand nombre d'étrangers, les seuls Khozaïtes, devenus maîtres du pays, se fixèrent définitivement à la Mecque.

Leurs compagnons d'exil continuèrent leur route vers le nord, et, se divisant de nouveau, les uns se dirigèrent vers la Syrie, les autres vers la Babylonie ou Irak-Arabi.

Djofna, fils d'Amrou, fils de Thaléba, fils d'Amrou Mozaïkia, à la tête d'une partie des émigrés de Batn-Marr, parvint à la fin du IIe siècle de notre ère dans la Syrie Damascène, où il fonda en l'an 195 le royaume de Ghassan, ainsi appelé du nom d'une citerne près de laquelle il établit d'abord son campement.

Les princes ghassanides ne tardèrent pas à embrasser le christianisme et à recevoir des empereurs romains le gouvernement des tribus arabes fixées dans cette partie de la Syrie.

Enfin les Arabes de Ghassan devinrent les auxiliaires des Romains, qui les employèrent comme troupes légères dans leurs guerres contre les autres tribus arabes et contre la Perse.

Les autres émigrés de Batn-Marr arrivèrent en Babylonie sous la conduite de Malec, fils de Fahm.

Les Arsacides à leur déclin régnaient encore en Perse; mais les troubles qui agitaient l'empire favorisèrent les projets de Malec, qui fonda en l'an 195 le royaume de Hira sur les bords de l'Euphrate.

Les successeurs de Malec devinrent les alliés des Sassanides, les antagonistes des Ghassanides et des Romains; et Noël Desvergers (Arabie, p 78-79) montre même l'un des rois de Hira, Mondhir Ier, pénétrant en Perse à la tête de 40 000 cavaliers pour aider le Sassanide Bahram à ressaisir le trône de la Perse en l'an 421.

Du reste, les rois de Hira, maîtres d'un pays d'une fertilité incomparable et renommé pour la multitude et les qualités de ses chevaux, s'étaient vite élevés à un haut degré de puissance et de splendeur; et leur nombreuse cavalerie fit souvent éprouver de rudes échecs aux armées des Ghassanides et des Romains.

Enfin, l'écriture arabe, qui fut inventée dans le royaume de Hira
quelque temps avant Mahomet et presque aussitôt introduite dans l'Hedjaz (Voyez Noël Desvergers, Arabie, p. 127-128, et Sale, Observ. sur le mahométisme, dans Les livres sacrés de l'Orient, p.474), suffirait pour montrer la continuité des relations que les Arabes de Hira avait conservées avec la mère patrie.

Piétrement 1882

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Mais l'émigration extra-péninsulaire d'une partie des familles les plus turbulentes ne put arrêter l'effervescence qui s'était emparée de l'esprit des Arabes.
Ils continuèrent d'être agités par de longues guerres civiles qui développèrent leurs instincts belliqueux et leurs aptitudes militaires.
" Grâce aux poèmes récités chaque année à Okadh, devant le peuple assemblé, les dialectes de l'Arabie s'épurèrent, et de leur fusion se forma cet idiome riche et nerveux dont les mâles accents devaient, dans la bouche du Prophète, appeler son peuple à la conquête du monde "

aussi voit-on se

"développer, pendant les deux derniers siècles qui précédèrent l'islamisme, la poésie, et avec elle toutes les vertus chevaleresques qui naissent du désir de la louange ou des exigences du point d'honneur; "

enfin l'écriture arabe, qui venait d'être inventée dans le royaume de Hira, pénétra à la Mecque et dans tout l'Hedjaz quelques années avant la naissance de Mahomet.

" Il ne faut pas s'étonner, d'après l'époque tardive à laquelle l'écriture pénétra chez les Arabes, si ce que nous avons dit des combats de poètes à la foire d'Okadh se rapporte surtout aux temps qui se rapprochent de l'Islamisme.
C'est dans le siècle qui précéda Mahomet que la poésie arabe prit son essor.
C'est alors que l'oeuvre du poète qui avait réuni tous les suffrages était écrite en lettres d'or sur une étoffe précieuse et suspendue aux portes de la Caaba (De là vinrent les expressions de poèmes suspendus ou moallakas et de poèmes dorés).
Aussi le recueil des moallakas est-il borné à sept poèmes, dont les auteurs furent contemporains du Prophète ou du moins précédèrent de peu sa naissance." (Voyez
Noël Desvergers, Arabie, p. 125-129)

La lecture de ces poèmes ne laisse d'ailleurs aucun doute sur le degré d'exaltation inouïe auquel s'était alors élevé l'esprit guerrier, chevaleresque et enthousiaste, chez les descendants de ces Arabes que Strabon représentait encore quelques siècles auparavant, soit comme des négociants enrichis, soit comme des pasteurs adonnés à l'élève de nombreux troupeaux.

Piétrement 1882

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Ainsi, pendant que l'Arabe péninsulaire perfectionnait sa langue, s'habituait aux exercices militaires et contractait un esprit guerrier, chevaleresque, enthousiaste, exalté; pendant qu'il adoptait l'usage du cheval et qu'il cherchait avec ardeur, avec passion, tous les moyens d'en améliorer la race;
en un mot, pendant que ce peuple acquérait toutes les qualités qui pouvaient en faire un instrument formidable entre les mains de celui qui saurait s'en servir, ceux de ses enfants qu'il avait envoyés fonder les royaumes de Ghassan et de Hira exploraient et exploitaient pour lui les pays dont il allait bientôt faire la conquête.

En effet, les Ghassanides, alliés et commensaux de l'empire romain, épiaient et surprenaient le secret de sa puissance déjà sur le déclin;

les Arabes de Hira, possesseurs de chevaux remarquables, et d'ailleurs en relations continuelles et des plus amicales avec toutes les provinces de la Perse, se trouvaient dans les meilleures conditions pour procurer de beaux et excellents chevaux à leurs frères de la Péninsule; et ils se préparaient à leur donner une écriture destinée à recueillir et à éterniser leurs poésies chevaleresques, et bientôt à transcrire et à répandre partout les nombreux exemplaires du Koran.

Telles furent incontestablement les circonstances qui présidèrent à l'introduction des chevaux en Arabie et les causes qui en firent adopter l'usage par les Arabes dans les premiers siècles de notre ère.

[...]

On s'expliquera parfaitement la prédominance presque exclusive du sang aryen chez les chevaux de la péninsule Arabique, si l'on considère qu'ils sont en majeure partie les descendants d'ancêtres amenés du royaume de Hira, c'est à dire de la vallée du Tigre et de l'Euphrate, dont la population chevaline était déjà aryanisée sous les Sargonides et même sous la dynastie qui les a précédés sur le trône d'Assyrie, (..).

Piétrement 1882

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